Toutes les histoires sur la pureté de la fiesta me laissent sans voix et je ne crois pas qu'il y ait eu une décadence conduisant le toreo à un trucage. Messieurs, le toreo est un truquage, une divine tromperie, car sans tromperie, le toro te prend. (p. 6)
Sur Belmonte
Le toreo doit simplement à Juan Belmonte un important apport technique de type intuitif qu'il ne put jamais expliquer, certainement appris à force de coups dans ces plazas, puisque à Tablada et au clair de lune, on ne pouvait pas beaucoup apprendre - la preuve qu'il n'apprit rien à Tablada c'est qu'à ses débuts de matador il était pris chaque fois. Cet apport technique consiste, rien de plus mais rien de moins, en se croiser devant les toros. (p. 70)
Pourquoi, dès lors, disait-on que Belmonte avait du temple ? Tout simplement parce qu'il allait à la corne contraire. Arrêtons-nous sur ce concept : en amenant le toro vers l'extérieur et en l'obligeant à dévier sa trajectoire, il obligeait le toro à perdre de la rapidité dans son attaque, et donc à charger plus doucement. C'est la raison pour laquelle Belmonte, en se croisant, toréait un peu moins vite que ses contemporains. (p.72)
Sur Manolete
Manolete comme toutes les grandes figuras du toreo fut un homme exceptionnellement intelligent. Très conscient de sa taille, de ses longues jambes et de son aspect un peu dégingandé, il sut adapter le toreo à ses caractéristiques physiques. Manolete ne pouvait toréer les pieds disjoints, car ses longues jambes auraient rendu ce toreo particulièrement inesthétique. Ces mêmes raisons l'empêchaient de rentrer son menton et de se courber devant la charge du toro. Manolete devait pratiquer un autre toreo : un toreo adapté à son physique. C'est pour cela que, avec intelligence, en abandonnant les styles alors dominants, Manolete adopta d'autres manières, d'autres formes, basées sur les pieds joints et la verticalité. Avec une immobilité absolue. (p.130)
Quelques refilons, piques et cariocas
Si un toro actuel, même ayant peu de forces, faisait face à un cheval d'alors, sans peto (protection), il le taillerait en pièce. Et dans le cas contraire, si un toro d'alors se trouvait face à un cheval actuel, avec le peto actuel, il se collerait dès la première charge à la barrera et n'en bougerait plus. (p.22)
Dans sa conférence sur l'Art de toréer, prononcée à l'Ateneo de Madrid en 1950, Domingo Ortega fait l'éloge du "parar, templar, cargar, mandar". La chose amusante est qu'il ne le fit jamais. (p. 34)
Comme tout bon aficionado le sait, aller au devant d'un toro avec la muleta en arrière est quelque chose de très dangereux, car on se trouve à découvert et l'on est vu par le toro. Quand on cite le toro avec le leurre en arrière, on lui donne toujours la possibilité de choisir entre le leurre et l'homme, et il se dirige sur les deux. Par conséquent, l'une des défenses essentielle du toreo est de placer les leurres en avant. (p. 124)
En parlant de Manolete, j'ai dit que toute l'affaire de l'orthodoxie taurine imposée par le tendido sept et ses "gueulards" était une plaisanterie. J'ai démontré comment il est impossible d'être toujours croisé si l'on prétend enchaîner les muletazos, et j'ai aussi démontré que se croiser à la corne contraire était une situation avantageuse pour le torero, car le toro ne le voit pas à ce moment-là. Par conséquent, le toreo au fil de la corne me parait plus risqué que de se croiser, chose qui reste le meilleur moyen d'amener le toro au dehors. (p. 191)
Afeitado et politique taurine
L'afeitado est une fraude. Et une escroquerie qui doit être combattue. Mais c'est à nous, les aficionados, de le combattre. Et je lance ici un appel aux amateurs : ni la Restauration, ni Alphonse XIII, ni la République, ni Franco, ni le système actuel n'ont fait quelque chose pour la fiesta. Ils l'ont ignorée. Aussi, aucun obstacle ne s'est dressé face à la tromperie. C'est le moment d'en prendre conscience. Il dépend des aficionados que la fiesta prenne un nouveau rythme. Mais cessons de nous lamenter, cessons d'attendre des hommes politiques des solutions qu'ils n'apporteront jamais - aucun d'entre eux n'est prêt à aider la fiesta car ils sont tous tenus par un complexe d'infériorité par rapport au "progressisme" et au fait européen. Arrêtons d'accuser les taurins d'être des escrocs. S'ils nous trompent, c'est parce que nous le voulons bien. Nous devons nous organiser et imposer nos critères. Et si nous ne le faisons pas et laissons faire les autres, que ne viennent pas ensuite les pleurs et les lamentations...(p. 129)
naturelle de Juan Belmonte
3 commentaires:
Hola pedro!!
Dans le dernier extrait l'auteur évoque le pouvoir d'influence et de pression des groupements d'aficionados.
Ce pouvoir est il réel ou est ce un voeux pieux?
Un exemple. En 1966 lors d'un congrès international de tauromachie organisé à Séville, les aficionados français font la proposition de marquer sur le flanc des toros le dernier chiffre de leur année de naissance. Cette proposition sera reprise par les autorités espagnoles (qui ne faisaient rien depuis 1940 !) et conduira à partir de 1973 au retour du toro de quatre ans dans les ruedos. C'est un cas d'école : une crise qui dure, une proposition d'aficionados, une action publique qui règle le problème.
Un autre exemple. Au cours de ces quinze dernières années, sous la pression des aficionados, le tercio de pique s'est considérablement amélioré en France.
Mais chaque mouvement peut porter en lui des effets pervers. On sait que le mouvement qui s'est exprimé dans les années 70 et 80 pour une meilleure présentation des toros a conduit à marginaliser les élevages d'origine santacoloma et à favoriser l'encaste domecq.
il me semble, misérable aficionado débutant que je suis, que malgré un dynamisme certain et une force de proposition constructive les voix ne sont guère entendues.
j'en veux pour preuve les broncas qui s’élèvent contre la mascarade du tercio de pique du 21 eme siècle qui rebondissent sur un mur d'ignorance.
bon.... les choses ne vont jamais assez vite pour moi.
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