dimanche 26 février 2012

Chinito

Une fine silhouette, un visage souriant lors de sa vuelta oreille en main, du bon toreo... mes souvenirs sont forcément imprécis, après tant d'années. C'était il y a 35 ans, à Aire sur Adour...
Lorsque, en cette soirée hivernale bordelaise, j'évoque cette tarde avec Chinito, son visage s'illumine, il se souvient de tout : les novillos de Cortijoliva, les compagnons de cartel, et ce novillo imposant qu'il réussit à bien toréer. C'était il y a 35 ans à Aire sur Adour.
A l'invitation du club taurin Los de José y José, le voici maintenant face au micro. Il évoque les grands moments de sa carrière : le rude apprentissage, les succès madrilènes, l'alternative, les coups bas du mundillo, les désillusions, mais aussi la figure de Christian Montcouquiol, ami d'enfance et compañero d'aficion. Il parle avec sincérité, à l'image de ce qu'était son toreo. L'émotion affleure. Il se dit homme libre et, à le voir et l'entendre, on sait que c'est vrai.
Grâce à Daniel Saint-Lary, l'épopée de Chinito a pris la forme d'un très beau livre publié par les éditions Atelier BAIE. Textes magnifiques, iconographie très riche et adornos toreros sous forme de textes manuscrits de Lucien Orlewski "Chinito de Francia".

dimanche 12 février 2012

Faits d'hiver

Étant donné la crise présente et à venir, le nombre de corridas va encore baisser. Plutôt une bonne chose : la corrida spectacle rare et précieux.




Madrid a mis Simon Casas dans un placard, encore une bonne chose. Madrid, plaza sérieuse, n'a que faire d'un hurluberlu comme lui pour organiser ses corridas.



En Galice, le Partido Popular, "le parti qui défend la corrida", a voté au parlement régional où il est majoritaire, un texte qui interdit l'accès des arènes aux moins de 12 ans. A méditer pour ceux qui ont cru que la victoire du PP aux dernières élections législatives serait une bonne chose pour les toros.


Fernando Cruz a un nouvel apoderado. Lui donnera-t-on enfin l'opportunité de relancer sa carrière?




Les premiers cartels de la temporada ont été annoncés : ils oscillent entre l'intéressant, le grotesque et le pitoyable. Ce qui se dessine, en tout cas, c'est une victoire des grosses empresas contre les matadors indépendants. Affaire à suivre...




 
Au campo pendant ce temps attendent les toros...



photos : Velonero (prises en 2010 chez Patrick Laugier)

dimanche 5 février 2012

Laurent Tailhade, La corne et l'épée

Laurent Tailhade, polémiste libertaire comme on n'en fait plus, a été, au tournant du XIXème siècle, un provocateur littéraire, politique et social de haute volée. Parmi ses titres de gloire :  six mois de prison pour avoir écrit un article incendiaire, véritable appel au meurtre à l'encontre du tsar Nicolas II à l'occasion de sa visite officielle en France; son évacuation de la ville de Camaret sous la protection de la maréchaussée à la suite de ses diatribes contre la bigoterie et l'alcoolisme des populations locales - la célèbre chanson paillarde mettant en cause la vertu des filles du pays aurait été écrite pour se venger des Camarétois; une trentaine de duels, à l'épée ou au pistolet, auxquels il survécut malgré quelques sérieuses blessures. Tout cela avec force contradictions, palinodies et clins d'œil ironiques du destin. Tel cet attentat anarchiste dont il fut victime (il y perdit un œil) alors qu'il avait applaudi quelques mois plus tôt à l'attentat de Vaillant contre la chambre des députés.
Aficionado convaincu, il ne manquait pas une occasion de ferrailler contre les défenseurs des animaux.
La corne et l'épée est un recueil de ses textes taurins rassemblés et publiés en 2011 par les éditions le Festin.
Voici, bel exemple de sa verve ravageuse et jouissive, un extrait de sa lettre ouverte à M. Uhrich, protecteur d'animaux :

La réclame que vous battez sur le cuir des rossinantes et des taureaux si ''méchamment mis à mort'' par Guerrita ou Bonarillo ne date pas d'hier. L'Eglé du ''pauvre Gilbert'', à qui

Un papillon mourant faisait verser des larmes,

assistait, d'une incomparable froideur, à l'inique supplice de Lally-Tollendal. C'était l'aïeule des précieuses de chenil rangée sous vos drapeaux. Car ces anges minaudiers ont d'habitude, sous leurs grimaces doucereuses, une complexion d'eunuque ou de bourreau. L'amour excessif que les catins manifestent à leurs bichons, ces animaux deux fois immondes, éduqués à lécher les excréments du privé et les ordures de l'amour; la manie imbécile des gâteuses sexagénaires qui transforment leur logis en asile pour les matous galeux et les barbets errants, tandis que, sous les ponts misérables, tant de hères passent les nuits de janvier; la fausse bonté dont les antiques ladres pavoisent leur avarice; la badauderie si aisément exploitable des riches idiots; le gâtisme sentimental de Joseph Prudhomme - tous ces éléments réunis et combinés ensemble forment le riche capital sur quoi vous trafiquez, depuis maintes années, sans que le fantôme du ridicule et le dégoût du personnage que vous tenez aient pu dévier, un instant, ce que vous appelez, sans doute, en style de Jocrisse, ''votre sacerdoce'' ou bien encore ''votre mission''.
Heureux mortels! Vous protégez les animaux, depuis le sansonnet de ma portière jusqu'aux biques montagnardes pour qui, dans la solitude tentatrice des hauts lieux, quelques bergers éprouvent une tendresse inconvenante, jusqu'aux pauvres biquettes dont le pucelage est commis à vos soins :

Allez, troupeau jadis heureux! Allez, mes chèvres!