CHAPITRE XVI
Maera gisait immobile, la tête dans ses bras, le visage dans le sable. Il se sentait tout chaud et gluant de tant saigner. À chaque fois, il sentait venir la corne. Parfois, le taureau se contentait de lui donner un coup de tête. Une fois la corne le transperça complètement et alla s'enfoncer dans le sable. Quelqu'un tirait le taureau par la queue. Ils lui lançaient des injures et brandissaient la cape sous son nez. Puis le taureau s'éloigna. Quelques hommes ramassèrent Maera et l'emportèrent en courant à travers l'arène, ils s’engouffrèrent derrière la barrera, sous la tribune d'honneur, jusqu’à l'infirmerie. Ils étendirent Maera sur une couchette et l'un des hommes partit chercher le médecin. Le médecin accourut depuis le corral où il était occupé à recoudre des chevaux de picador. Il dut s'arrêter un instant pour se laver les mains. On entendait des hurlements dans la tribune au-dessus. Maera voulut dire quelque chose, mais il s'aperçut qu'il ne pouvait pas parler. Maera sentit que tout, autour de lui, devenait de plus en plus grand, puis de plus en plus petit. Et de nouveau de plus en plus grand, et de plus en plus petit. Puis tout se mit à courir de plus en plus vite comme lorsqu'on accélère un film cinématographique. La seconde d’après il était mort.
Extrait des Nouvelles complètes d'Ernest Hemingway, Quarto, Gallimard, traduction de Céline Zins.
Sur ses rapports avec l'Espagne : Pierre Dupuy, Hemingway et l'Espagne, La Renaissance du livre, 2001
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1 commentaire:
"Celle qui parle a vu s'éteindre un cigare d'Ernest Hemingway dans les arènes de Bayonne lors d'un mano a mano entre lui Miguel Dominguín et Antonio Ordóñez..." Celle qui parle, c'est Florence Delay, dans son dernier livre Mes cendriers (Gallimard, mars 2010) Dans le même passage (un paragraphe) elle évoque le cigare que fument les espagnols dans les arènes. Dans un autre passage, plus long (p.96-101), Florence Delay, toujours à propos de cendriers, évoque sa rencontre avec les frères Montcouquiol,Alain et Christian, plus connu sous le nom de Nimeño II. On y rencontre le toro Pañuelo de Miura, à Arles, le 9 septembre 1989... On y croise la déesse Hécate dans les fêtes de Pampelune, le toro Capuchito de Jandilla qui a égorgé un jeune madrilène pendant l'encierro... Et Lorca est là, également, et Son LLanto por Ignacio... Et tout cela, à propos d'un cendrier...
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