Jusqu'à ce jeudi 16 août à Saint Sébastien, j'avais assisté à 10 corridas où toréait José Tomas, il avait coupé 10 oreilles. A vrai dire, rien que de très banal, des prestations en demi-teinte qui m'avaient laissé indifférent, voire hostile. Aujourd'hui, j'ai enfin vu José Tomas.
En une après-midi, il a tout justifié: la passion et l'aura qui entourent son retour, l'engouement des foules, les analyses dithyrambiques sur son toreo et sa personnalité. Pourquoi?
Tout d'abord, parce qu'il s'est livré corps et âme à ses deux toros. De la première passe de cape jusqu'à l'estocade finale, il a donné le meilleur de lui-même.
Ensuite par sa personnalité extraordinaire. On le sent totalement habité par son toreo. Cela est saisissant pour nous, gens ordinaires qui contemplons le grain de folie d'un homme hors du commun. Et l'on ne peut s'empêcher de penser qu'il se situe dans la lignée des grands mystiques espagnols.
Enfin par sa technique et son inspiration. En voici quelques exemples ce jour où il eut à combattre les deux toros les moins propices au succès. Le premier était un gratteur impénitent. Or, en fin de faena, à l'issue de trois manoletines et d'un remate, le toro se trouva parfaitement cadré, à l'emplacement idéal et le maestro put l'estoquer sans un geste de plus. Ce qui constitue le nec plus ultra de la lidia et l'expression la plus parfaite de la domination d'un toro par un torero.
A son second adversaire, le début de la faena fut des plus savoureux avec au centre du ruedo et cité de loin l'enchaînement de deux molinetes différents et muy toreros, l'un belmontien (cambiado), l'autre classique (naturel).
Enfin cette dernière série de trois derechazos parfaitement enchaînés qui constituait à la fois le point d'orgue et l'aboutissement d'une faena auparavant peu brillante mais efficace puisqu'elle avait rendu cet enchaînement possible.
Un toreo que José Tomas, au-delà de son parti-pris évident de hiératisme, est capable de suffisamment maîtriser et penser pour l'adapter à la lidia de chaque toro.
Je ne sais comment le maestro de Galapagar a toréé dans les autres arènes cette année mais, à mon avis, on ne peut dans une temporada toréer ainsi plus d'une trentaine de courses au risque, comme Icare de se brûler les ailes. Poussé par sa quête d'absolu, il pourrait, oubliant qu'il y a un toro et qu'il faut le respecter, être tenté de dépasser cette ligne ténue qu'il y a, en tauromachie, entre l'Art et la Mort.
Par ailleurs, au cours de cette bonne corrida donostierra, Finito de Córdoba et El Cid se sont chargés, avec tout leur talent, de rappeler qu'il existe une autre forme de tauromachie, plus classique et tout aussi digne d'intérêt.
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