mercredi 22 janvier 2020

La corrida, effraction salutaire

   Il arrive aux curés d'écrire des livres intéressants. Je pense par exemple à Manon Lescaut, roman écrit par l'abbé Prévost au XVIIIè siècle qui m'a laissé le souvenir d'une œuvre particulièrement savoureuse. Le livre qui nous occupe aujourd'hui est d'un genre tout différent. Avec La corrida, effraction salutaire, le Père Jacques Teissier signe un petit essai dont le but est de défendre la corrida face aux attaques qu'elle subit de la part du courant animaliste, particulièrement virulent de nos jours dans sa forme la plus intégriste à savoir les antispécistes et autres végans.
   Une question tout d'abord. Est-il nécessaire de défendre la corrida autrement qu'en promouvant un spectacle digne, c'est à dire basé sur la beauté et la puissance du toro opposé au courage et à l'art du torero, ainsi que, cela va de soi, en participant à sa charge économique en passant le plus souvent possible par la taquilla ? Oui, sans doute, si l'on considère avec l'auteur, que derrière ces attaques se trouvent, une fois gratté le vernis des sentiments doucereux, des conceptions philosophiques et sociétales profondément antihumanistes.
   Pour le Père Teissier, le rituel de la corrida, dans lequel l'homme se confronte à cet animal redoutable qu'est le toro, rejoue l'émergence de l'humain au sein du monde animal. Par l'affirmation de son intelligence et de son art, l'homme se transcende et s'élève au-dessus de son animalité. '' Ce faisant, la corrida démystifie l'antihumanisme radical des antispécistes et des végans; elle démasque la tromperie, le mensonge, que cachent leurs bons sentiments. Effraction. Effraction salutaire."
   La richesse de la corrida tient aussi en ce qu'elle constitue une effraction salutaire face à notre monde aseptisé et normalisé sous l'emprise aujourd'hui de la toute-puissance de la finance et de la consommation industrialisée. "Déjà que la finance et la consommation régnantes ne favorisent pas la recherche d'un sens à notre vie, au moins ne perdons pas les quelques éléments porteurs de sens qui subsistent : paradoxalement, la corrida en fait partie. Une société en manque de sens n'ouvre-t-elle pas la porte à tous les errements ?"
   La corrida est également effraction salutaire en ce qu'elle est affirmation de valeurs et d'attitudes que la société actuelle tient à distance : l'acceptation du risque, la capacité à regarder la mort en face, l'affirmation de la foi en l'homme face aux difficultés du monde.
   Il faut donc aujourd'hui compter sur un prêtre pour, dans ce livre salutaire et d'une grande richesse, nous donner, grâce à sa vision spirituelle et transcendantale, une leçon d'humanisme. Ce n'est pas le moindre paradoxe de notre époque.

Père Jacques Teissier,  La corrida, effraction salutaire, Au diable vauvert, 2018

3 commentaires:

christian a dit…

Pierre faites attention toi et ton anticléricalisme d'instituteur républicain!!....le seigneur te regarde.
Les religieux et les toros ont toujours fait bon ménage je crois.
Encore un livre a acheter.
En ce moment j'ai jeté mon dévolue sur la prose de francis wolf.

velonero a dit…

Pas d'anticléricalisme primaire chez moi. Il me parait normal que les non religieux (dont je fais certes partie) traitent les religions comme nous aimerions que les non aficionados traitent la corrida. Avec tolérance. Ce qui n'empêche pas de lutter contre les intégristes de tous bords.
Sache Christian que les chrétiens se sont longtemps opposés à la corrida (Teissier le rappelle dans son livre) et que, malgré bulle papale et toute puissance de l'Eglise en Espagne, ils n'en sont pas venus à bout.

christian a dit…

Tolérance..... Dieu vous entende mon fils!
Il est vrai que quelques bulles papales équivalent des scuds pour l'époque condamnant les jeux taurins avec la plus grande fermeté n'en purent mais.et c'est tant mieux pour nous!
Ton monde de tolérance me laisse réveur et plein de mélancolie.
Je voudrais tant pouvoir t'y rejoindre....