Los golfos (Les voyous en français) est le premier long métrage de Carlos Saura. C'est un film passionnant à plus d'un titre. Tout d'abord pour ses pures qualités cinématographiques. Le film a été tourné entièrement en décor naturel, avec des acteurs non-professionnels, à la manière des films néo-réalistes italiens et le résultat est à la hauteur des prestigieux maitres d'outre-méditerranée. Ensuite pour le précieux témoignage qu'il nous donne du Madrid de la fin des années cinquante (il a été tourné en 1959). Bien loin de l'Espagne de pandereta qu'à la même époque promeut dans le monde entier la série des Joselito, Carlos Saura nous montre, sin trampa ni carton, la vie d'un groupe de jeunes qui habitent dans cette zone de la banlieue qui hésite entre urbanisation et campagne et où vivent pauvres et déracinés. On y voit aussi l'impressionnante fourmilière humaine du marché de gros de Legazpi, la salle de bal du cinéma Salamanca (aujourd'hui transformée en centre commercial), un club de jazz très "parisien" et, pour la séquence finale, les anciennes arènes de Vista Alegre. En effet, Juan, l'un des jeunes protagonistes du film, veut devenir matador et c'est pour l'aficionado une source d'intérêt supplémentaire. Il y a, en particulier, une très belle scène d'entrainement tournée à la Casa de Campo. Tout le film se construit autour de ce projet qui va fédérer le groupe et alimenter les rêves de richesse de chacun. Il s'agit de trouver le financement qui va permettre à Juan de débuter en novillada. Tous les moyens - surtout les pires- seront bons. On voit à quel point les apprentis toreros de cette époque sont seuls, à la merci d'organisateurs sans scrupules et l'on prend conscience, a posteriori, du progrès qu'a constitué, bien des années plus tard, la création des écoles taurines. La novillada finale et la mort du novillo, filmées sans complaisance, peuvent être vues comme la métaphore de la difficulté pour les artistes de parvenir à leurs fins. Carlos Saura en sait quelque chose qui tourna avec peu de moyens et dut se débattre, avant et après le film, avec la censure franquiste. Finalement le film sera montré au festival de Cannes où il fut apprécié mais sa sortie sur les écrans espagnols n'eut lieu qu'en 1962, de manière très confidentielle et amputé de dix minutes (les mécanismes de censure sont très bien mis en lumière dans les bonus du dvd édité par Blaq out).
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