lundi 28 février 2011

Toreros para la historia 12 Rafael Ortega

  Rafael Ortega fait partie de ces toreros qui ne se sortent pas si mal de l'épreuve de la vidéo. On est séduit par son temple et sa pureté malgré sa propension, dans les années cinquante, à toréer de profil. Il y a dans le toreo de Rafael Ortega une dimension spirituelle qui donne de la grâce à un corps qui en est précisément dépourvu.
Tout avait pourtant mal commencé avec cette gravissime cornada qu'un toro de Bohorquez lui infligea en 1950 à Pampelune. Émouvante image que celle de ce corps inerte au centre du ruedo pamplonais.
Mais deux ans plus tard l'épreuve est surmontée et ce sera, à Malaga, le combat épique face à un toro muy encastado de Pablo Romero. On ne sait ce qu'il faut admirer le plus de la caste du pablorromero ou du courage et du pundonor du jeune maestro.
Au fur et à mesure du déroulement du film on prend conscience à quel point le torero de San Fernando (El Tesoro de la Isla) excelle dans les trois suertes qui constituent la base de la tauromachie classique : la véronique, la naturelle et bien sûr l'estocade où il illustre à merveille le sens de l'expression "corto y derecho".
On atteint les sommets à la fin du film avec son immense faena de la San Isidro 1967 lors de sa réapparition. Les festivals, enfin, où, à 60 ans bien sonnés, le maestro torée avec une classe, une pureté et une facilité insolentes.
Antonio Ordoñez dira de lui : "Rafael Ortega es el que mejor a toreado de todos nosotros." Et Antoñete : "El torero que mas me ha impresionado a sido Manolete y el que mas me ha gustado, Rafael Ortega, a quien considero ademas el torero mas completo y el que ha toreado con mayor pureza."




dimanche 13 février 2011

Propos sur la bravoure

Une discussion via internet avec Xavier Klein cet été à propos du comportement des novillos de Moreno de Silva à Parentis, plus récemment les propos de Juan Pedro Domecq affirmant qu'il était à la recherche de davantage de fiereza pour ses toros m'ont incité à mettre à nouveau au jour ce texte écrit il y a quelques années et que la revue Toros avait publié en 1995 (n°1495).

Chaque aficionado se rend aux arènes dans l'espoir de voir combattre des toros authentiquement braves. Chaque aficionado a rangé dans un tiroir de son jugement sa propre conception de la bravoure qui va de la minimale — un toro brave est un toro qui charge le picador sans fuir au contact de la douleur — à la plus élaborée, celle qui sert de critère aux membres de jury des corridas-concours.
Un détour par les dictionnaires nous permettra de mieux cerner toute la diversité que recouvre le mot. L'ita­lien, porté sur les arts, qualifie ainsi ce qui est beau et excellent. Bravo que signifiera au toro le public par ses applaudissements. La langue française, elle, fait preuve de malice : être brave c'est être courageux au combat mais aussi (par voie de conséquence diront les esprits frondeurs) être un peu couillon, un bien brave homme, une brave bête en somme. Brave bête justement que le toro brave puisque c'est celui qui se prête le mieux au jeu de l'homme et qui par son comportement offensif permettra aux bons toreros de triompher pleinement. Le très sérieux langage castillan ne se permet pas, bien sûr, une telle ironie avec un mot qui symbolise des vertus essentielles pour les compatriotes du Cid Campeador et de Don Quichotte de la Manche. Il a gardé en revanche la signification originelle du mot puisque, outre le concept classique de vaillance et de combativité ainsi que celui d'excellence, il fait la part belle à l'idée de férocité et de sauvagerie contenue dans le mot latin d'origine (barbarus : barbare, sauvage).
Voilà qui nous ramène à nos toros. Appliqué au toro de lidia tel qu'il est élevé par l'homme depuis maintenant quasiment deux siècles, ne faudrait-il pas écarter le terme de sauvagerie ? Celle-ci implique une idée de vie et de sélection naturelles qui s'applique de moins en moins aux conditions que l'on retrouve dans les ganaderias. En effet, le choix que l'homme exerce à travers les tientas, le par­cage des animaux dans des espaces limités, l'apport de nourriture artificielle sont des éléments en totale contradiction avec l'idée de sauvagerie. Les deux notions essentielles qui permettent de mieux définir les qualités d'un toro brave me paraissent donc être la comba­tivité et la férocité.
Dès lors qu'il se retrouve dans le cercle de lumière que représente pour lui l'arène, le toro subit des provocations incessantes et le toro brave est celui qui répond à toutes
ces provocations, qui combat sans cesse, qui charge tout ce qui bouge. Et ce combat, toujours renouvelé, que lui propose l'homme, maître du jeu, le toro brave doit le mener avec férocité. Mais qu'est-ce que la férocité d'un animal sinon la manière qu'il a de tirer tout le parti des avantages que la nature lui a donnés, c'est-à-dire pour le toro : la vitesse, la puissance, les cornes ? C'est ainsi que les charges du toro qui expriment sa bravoure doivent être vives et rapides (con alegria), de moins en moins, bien sûr, au fur et à mesure du déroulement du combat et de la domination de l'homme. Elles s'appuient sur la confiance qu'a l'animal en ses capacités physiques et en sa force. C'est pourquoi un toro dont la faiblesse trahit les intentions de combati­vité cesse d'être brave. Il aurait peut-être pu le devenir mais son incapacité physique l'en empêche car sur le sable de l'arène comme dans bien des domaines seule l'action compte et le toro sans puissance n'est pas en mesure d'agir : il n'est plus qu'un podagre inutile. Enfin le toro brave doit savoir se servir de ses cornes, il ne serait sans cela qu'un mouton suivant docilement un bout de chiffon. Mais que l'on ne croit pas que la somme de toutes ces qualités va faire surgir un fauve terrifiant qui mettra en déroute les coletudos et rendra impossible toute manifes­tation artistique. Bien au contraire : la vitesse dans la charge, la confiance qu'apportent au toro à la fois sa puis­sance physique et la paire de cornes dont il connaît l'usage, vont le pousser à attaquer avec franchise et rectitude, à aller jusqu'au bout de son effort, donc à avoir une charge longue. Ainsi, un tel toro sera de ceux qui font les triomphes importants.
Il m'a paru nécessaire de pouvoir définir la bravoure du toro de combat par ces généralités car elles évitent de réduire cette bravoure à des actions spécifiques (le toro brave doit mettre la tête comme ceci, les pattes comme cela, etc.) qui ont tendance à nous faire considérer l'ani­mal comme une mécanique que l'homme pourrait façonner à sa guise. Il n'en reste pas moins vrai que, depuis des lustres, les éleveurs, les professionnels de l'arène et les aficionados ont relevé des comportements quasi systémati­quement reproduits par les toros que l'on qualifie de réellement braves :
— charger et recharger les capes ;
— charger de loin le picador ;
— pousser, tête baissée, en s'appuyant sur les pattes arrière jusqu'à la chute du groupe équestre ;
— revenir plusieurs fois à la pique avec un compor­tement identique ;
— charger à l'appel des banderilleros ;
— les poursuivre à la sortie de la suerte ;
— charger et recharger la muleta ;
— avoir son terrain au centre et y mourir en luttant debout contre la mort.
Diamant étincelant émergeant des pierres brutes, toro rêvé par son ganadero autant que par les aficionados, l'in­dividu qui manifesterait un tel comportement ne peut surgir que du foisonnement de combativité et de férocité que l'on retrouvera chez ses frères de caste, même si leur bravoure ne s'exprime pas toujours de manière aussi typée.
Car pourquoi ne pas considérer que deux types de bravoure peuvent coexister ? L'une, qui est la bravoure de fond, s'exprime par la combativité et la férocité du toro, quelle que soit la variété des comportements qui la révèle. Elle est la meilleure garantie contre la dégénérescence des toros de combat en même temps que le vivier de l'autre bravoure. L'autre, en effet, en représente la quintessence et se caractérise par des actions types définies comme telles par l'homme.
Ces quelques réflexions n'auront pas été inutiles si elles contribuent à porter sur la bravoure un regard plus ouvert, qui n'hésite pas à s'éloigner des canons - certes nécessaires - mais que le temps a peut-être transformés en dogmes au détriment de la diversité de comportement du toro de lidia.

samedi 5 février 2011

Au détour d'un livre

Au détour d'un livre, parfois, la surprise d'une métaphore ou d'une comparaison taurine. Si elle est réussie, c'est un vrai plaisir pour le lecteur aficionado.
Ainsi dans La forme d'une ville, consacré à Nantes, Julien Gracq évoquant les équipes de rugby locales :
"Ses rencontres avec le Vélo-Sport Nantais (bleu et rouge : le derby local) et avec le R. C. Trignac, ''l'équipe des hauts fourneaux'', célèbre, comme Bilbao pour les taureaux géants de sa plaza, pour son pack de superbes brutes, blindées par la fréquentation quotidienne de l'acier trempé, électrisaient la foule indigène."

Mais pour l'écrivain le risque est grand. Celui, s'il ne maîtrise pas le sujet, de tomber dans l'approximation ou le ridicule.
Dans Microfictions un recueil de plusieurs centaines de très courtes nouvelles, toutes plus ignobles les unes que les autres (il faut sans doute être capable d'une lecture très distanciée pour en apprécier la charge venimeuse contre notre société), Régis Jauffret écrit dans la nouvelle intitulée Muleta : "Je l'ai achevée, en me servant de la pique comme un toréador de sa muleta."
Ce qui ne manque pas de laisser perplexe l'aficionado.

Même la grande Nathalie Sarraute, dans Les Fruits d'Or, perd un peu la notion des terrains : "Comme le toréador qui fait le tour de l'arène, traînant sa cape négligemment, attrapant au vol avec une désinvolte élégance les oreilles et la queue, les chapeaux, les souliers que des gradins on lui lance, il salue."
Dommage, la phrase est bien tournée mais les oreilles et la queue ne sont pas du bon côté de la barrière!





Usage habituel de la muleta

mercredi 26 janvier 2011

Juan Pedro Domecq (2)

17 août 1976, arènes de Dax, 6 toros de Juan Pedro Domecq pour Palomo Linares, Angel Teruel, El Niño de la Capea. Un cartel cumbre pour le jeune aficionado que j'étais alors, avec en particulier la présence de Teruel, mon préféré à l'époque; mais l'insignifiance et l'invalidité des Juan Pedro Domecq arment le scandale. "Certes, des jolis mais très légers Juan Pedro Domecq d'armures fines, on n'attendait guère de titanesques combats, trois se satisfaisant d'une brève varita, seul l'ultime, de Jandilla, rechargeant ... avec fer, et conservant jus et sustentation satisfaisants. Or, non seulement le tiercé (1, 2 et 4), noblotes et sans grande solidité, fut loin d'évoquer les Juan Pedro Domecq d'antan, mais les deux autres allaient être sources de scandales délirants." (Georges Lestié dans Toros n° 1035-1036)
Pour Dax, c'est l'année des scandales après la corrida frauduleuse envoyée deux jours auparavant par Fermin Bohorquez qui avait transformé ses novillos en toros en falsifiant leur guarismo (un 2 rajouté sur le 3!).
Pour les aficionados, une aubaine car on n'a quasiment jamais revu depuis ni Bohorquez ni Juan Pedro Domecq dans notre Sud-Ouest.
Pour moi, une première sans lendemain, je découvrais en effet ce jour-là les toros du prestigieux fer de Veragua; je n'en ai pas revu depuis!
Dans Terres Taurines, ce problème de faiblesse rencontré par l'élevage à partir des années 70 est expliqué par un excès de consanguinité lié à "l'utilisation de deux sementals issus d'unions entre père et mère nés des mêmes parents, ce qui avait permis de concentrer les qualités de ceux-ci, mais avait apporté aussi dans leur descendance divers caractères occultes."
Depuis, les comptes-rendus indépendants (les seuls susceptibles d'être pris au sérieux) nous montrent que l'élevage continue de se traîner dans les bas-fonds : faiblesse permanente quand ce n'est pas invalidité totale, soseria généralisée. De temps en temps, un individu moins faiblard prend ses 80 passes sans broncher. En général, on le gracie et toute la toreria s'en gargarise pendant quelques jours. Enfin dans le meilleur des cas un bon toro rappelle à tous que le sang brave coule encore dans les veines de l'élevage.

Si je suis prêt à donner crédit aux propos de J. P. Domecq sur sa recherche d'une plus grande fiereza c'est que je pense que la noblesse authentique est la conséquence d'une férocité portée à son point extrême. Ce que l'on voit chez les meilleurs Fuente Ymbro (du domecq) mais aussi Victorino, Cuadri et La Quinta.

En revanche mon romantisme taurin a été douché par les affirmations du ganadero selon lesquelles les toros jaboneros de l'élevage ne proviendraient pas du croisement avec les veraguas. Là encore, on peut croire l'éleveur mais on peut aussi s'en méfier. Le propos est peut-être destiné à ne pas effaroucher nos vedettes facilement vacillantes, lesquelles pourraient s'émouvoir à l'idée d'affronter des toros ayant une lointaine ascendance veragua.

Ce qui est sûr c'est qu'au final, la vérité sera dite par le comportement des toros dans le ruedo. Le ruedo, un des derniers lieux où le mensonge ne peut se réfugier?

dimanche 16 janvier 2011

Juan Pedro Domecq

Il faut bien l'avouer, ils sont beaux et passionnants les opus de Terres Taurines. Le dernier en date - n° 30 - consacré au Monde selon Parladé ne faillit pas à la règle.
Bien sûr, comme chaque fois, André Viard ne peut s'empêcher, chaussé de ses gros sabots, de nous fourguer à satiété de la toréabilité et de l'adéquation au marché, son credo d'homme du Mundillo qu'il partage pour l'occasion avec Juan Pedro Domecq Solis autour duquel est construit ce numéro. Reconnaissons lui toutefois le mérite d'admettre que la trop grande prévisibilité du comportement des toros d'encaste Domecq pourrait bien mener la corrida à sa perte et que seule la faculté de résistance des aficionados peut éviter le pire : "Sauront-ils faire entendre leur voix et influer sur la logique des ganaderos...?"

Juan Pedro Domecq justement, quel homme inquiétant! On le connaissait déjà pour ses propos mortifères : le toro-artiste (quel mépris pour les toreros!), la suppression des piques. Il apparaît ici enfermé dans un discours de toute puissance, de maîtrise absolue qui confine à la mégalomanie. L'utilisation du système de traitement informatique des données (intitulé Hal!) qu'il a mis au point en constitue l'aboutissement déshumanisé. Voilà une machine capable de donner à ses toros des moyennes extravagantes de toréabilité! Mais quand, sur le sable de l'arène, la réalité fait place aux fantasmes du ganadero tout s'effondre. Au point que voici deux ans, après trois tardes calamiteuses lors de la feria d'avril, les Juan Pedro ont été bannis de Séville. De fait, ce que le ganadero appelle adaptation au marché et qui lui assure une réussite commerciale indéniable c'est, je crois, l'assurance pour les figuras que ses toros, s'ils ne permettront rien de brillant ni de valeureux au moins ne les mettront pas en difficulté tant ils sont faibles et décastés.

Si l'on en croit André Viard, le ganadero serait conscient, après tant de fiascos, du manque de caste de ses produits. L'exclusion de Seville, les critiques virulentes de l'aficion et de la presse indépendante lui auraient-elles fait sentir que l'adéquation de ses toros au marché risquait de prendre du plomb dans l'aile? Toujours est-il qu'il aurait entrepris ces derniers temps un changement de cap dans la sélection afin d'augmenter la fiereza de ses toros. J'ignore ce que Juan Pedro Domecq met derrière ce beau terme de fiereza (férocité en français) mais rêvons un peu et soyons bon public, donnons lui rendez-vous dans quelques années pour voir si ses toros auront retrouvé cette fiereza qu'ils possédaient il y a un demi-siècle et qui était sans doute encore présente chez Disparate et Opiparo lidiés à Madrid lors de la dernière San Isidro...

samedi 1 janvier 2011

Bonne année 2011 Feliz año nuevo



El toro sale a las cinco

la suerte sale a las seis

a las siete de la tarde

quien sabe como saldré?


(copla flamenca)


photo Velonero

mardi 28 décembre 2010

2010 annus horribilis

Commencée sous de mauvais auspices avec la grave blessure de José Tomas, 2010 a accumulé peines et catastrophes.











photos Velonero

dimanche 19 décembre 2010

Pot au feu

Faut-il cacher certaines images peu glorieuses, celles du toro désacralisé lorsque, vaincu, il a quitté le sable de l'arène?
Pour ma part, je ne vois aucun inconvénient à un tel témoignage. Au contraire, après avoir été admiré pour sa beauté et sa combativité, voici le toro bravo utilisé pour sa substance matérielle, sa chair. Rien n'aura été négligé chez lui.
Comme ses malheureux cousins élevés quelques mois en batterie il finira pot au feu, daube ou entrecôte. Mangé peut-être par ceux qui vitupèrent contre la corrida!
Mais cela après avoir vécu 4 ans en pleine nature et être mort en combattant. Oui le toro est bien, de tous les animaux que l'homme utilise, celui dont le sort est le plus enviable.




"Un récent débat télévisé en France a posé la question, "La corrida, est-elle une boucherie?"
La discussion n'a pas apporté de réponse, car en fait on parlait d'autre chose et la question était mal rédigée. On aurait peut-être dû demander "La corrida, n'est-elle qu'une boucherie?" Mais il m'a semblé plutôt évident que, dans la mesure où la corrida commence avec un toro vivant et termine en principe avec de la viande propre à la consommation, oui, la corrida est bel et bien une boucherie.
Elle n'est pas, pour cela, plus ignoble que le processus semblable qui a lieu dans toutes nos villes tous les jours ouvrables. Mon père était boucher. Je n'ai pas honte de sa profession. Mais la viande n'est en tauromachie qu'un sous-produit. La corrida offre d'autres choses en plus. Elle n'est certainement pas qu'une boucherie."
(Jeff Pledge)

Photos Velonero

dimanche 12 décembre 2010

Quelques photos de la temporada 2010

Thomas Dufau, un profil amanoletado






Juan del Alamo, premier de l'escalafon novilleril





Victor Barrio autre novillero dont on parle, ici face à un Escolar Gil à Saintsever


Juan Bautista face à un Victorino vicois



Vic Fezensac, un tío de Victorino Martin bien entouré


photos Velonero


jeudi 25 novembre 2010

Tauromachie à Madagascar

En allant voir, dans le cadre du festival du film d'histoire de Pessac, le très beau film malgache Tabataba de Raymond Rajaonarivelo (une subtile évocation de la révolte de 1947 contre les colons français) j'étais loin d'imaginer que j'allais découvrir, au cœur du film, une véritable scène taurine.
L'action se situe dans un village de l'Est. Les hommes ont pris les armes (fusils en bois, lances, coupe-coupe) et sont partis combattre les occupants français. Mais les nouvelles des combats ne sont pas bonnes et, pour conjurer le mauvais sort, le chef du village décide de sacrifier un zébu. Celui-ci, attaché à une longue corde parcourt les modestes rues du village comme dans les toros à la corde européens, puis les jeunes du village l'affrontent et le renversent en le prenant par les cornes (mancornar en castillan). Une habile ellipse évite la scène du sacrifice.


Cette séquence qui ne dure pas plus de cinq minutes a bien sûr excité ma curiosité et voici quelques informations trouvées sur la toile :


- Le malgache et son zébu, une relation jusque dans l'au-delà
- Tolon'omby, savika ou roaponolana, le sport malgache (avec video)
- Le Savika, la corrida de la brousse malgache


Où l'on découvre que la tauromachie malgache - basée sur le culte du zébu - est bien vivante avec parfois des ambiances évoquant pour nous celles de Pampelune (voir video).
Mais peut-être en saurons-nous un jour davantage grâce à Chulo qui a, si je ne m'abuse, de fortes attaches sentimentales avec Madagascar...



dimanche 14 novembre 2010

Perfection actuelle

"Le courage, la force et l'intrépidité étaient alors les seules ressources des anciens combattants; tandis qu'aujourd'hui des principes raisonnés, des théories, des études pratiques ont fait de cette lutte une profession, un art. Cependant, avant d'avoir atteint sa perfection actuelle, la tauromachie a dû subir de nombreuses transformations."






Citation extraite de Les courses de taureaux expliquées de Oduaga-Zolarde (Aguado de Lozar) - 1854
Photo Velonero, Arles printemps 2010 Espace Van Gogh (ancien hôpital où séjourna le peintre)

vendredi 5 novembre 2010

Bilan 2010

Ma corrida rêvée

6 toros de Baltasar Iban 6
Curro Díaz
Rafaelillo
Diego Urdiales



Un artiste, Curro Díaz, qui est aussi capable à l'occasion de se montrer valiente y poderoso (voir LA corrida de Madrid). Bien sûr Morante de la Puebla aurait pu entrer dans mon cartel de rêve mais, depuis qu'il s'est acoquiné avec Cayetano, il passe l'essentiel de sa temporada devant les chèvres de Juan Pedro et de Zalduendo... ça réduit l'intérêt.

Un vaillant, Rafaelillo, qui sait aussi toréer avec temple et douceur comme il le fit cette année à Madrid face aux Dolores Aguirre ou à Mont de Marsan face aux Miura. Je reconnais que c'est trop souvent la brusquerie qui l'emporte chez lui, il est alors beaucoup moins convaincant comme ce fut le cas en octobre face aux Cuadri de Saragosse. Trouver la bonne mesure, le bon tempo, c'est la terrible difficulté à laquelle sont confrontés les belluaires lorsqu'ils doivent passer, parfois dans une même après-midi, d'un toreo de combat nécessairement heurté à un toreo de velours quand le toro le permet. C'est la grandeur de Rafaelillo d'y réussir parfois et c'est l'absolue grandeur du toreo que d'accomplir cette transmutation avec un même toro.

Un pur classique enfin, Diego Urdiales, austère, sincère, maduro. De ceux qui, avec un minimum de gestes, obtiennent un maximum d'effet. " Le torero, de même, cherche à obtenir le plus d'effets possible sur son adversaire en utilisant le minimum de moyens : minimum de leurre, de temps, d'espace, de mouvements, etc. Ce principe d'économie - ''le plus par le moins'' - est le premier secret de la beauté plastique du toreo, que ce soit au niveau du geste, de la passe, de la série, ou de la faena toute entière." (Francis Wolff)
Diego Urdiales ne pose pas dans les magazines mais il torée bien mieux que tous les pipol-toreros réunis.

2009
2008
2007

lundi 25 octobre 2010

Les lauréats du prix Claude Popelin

Depuis 1982 ce prix est attribué au meilleur lidiador de la saison taurine en France. Ce peut être un matador, un novillero ou un subalterne.

Voici la liste des lauréats :

1982 : Paco OJEDA
1983 : Luis Francico ESPLA
1984 : José Antonio CAMPUZANO , PAQUIRRI
1985 : Victor MENDES
1986 : ORTEGA CANO
1987 : NIMEÑO II
1988 : Juan Luis de los Rios "El FORMIDABLE"
1989 : RUIZ MIGUEL , NIMEÑO II
1990 : El FUNDI
1991 : César RINCON
1992 : César RINCON
1993 : César RINCON
1994 : José Miguel Arroyo "JOSELITO"
1995 : desierto
1996 : Enrique PONCE , José Maria MANZANARES
1997 : Curro ROMERO , Jean Marie BOURRET
1998 : Luis Francisco ESPLA , Manuel CABALLERO
1999 : desierto
2000 : FERNANDEZ MECA
2001 : Vicente Yanguez "El CHANO"
2002 : El CID
2003 : El FUNDI
2004 : El FUNDI
2005 : El JULI
2006 : Sébastien CASTELLA
2007 : El JULI
2008 : El FUNDI
2009 : Sébastien CASTELLA
2010 : El JULI
2011 : David MORA
2012 : Fernando ROBLEÑO 
2013 : Ivan FANDIÑO 
2014 : Diego URDIALES 
2015 : Diego URDIALES
2016 : Juan BAUTISTA
2017 : Juan BAUTISTA
2018 : Emilio de JUSTO
2019 : Daniel LUQUE

 
On remarquera qu' El Fundi a obtenu quatre fois le prix ce qui n'est pas étonnant compte-tenu de sa longue et exemplaire carrière dans notre pays. De son côté, César Rincon l'a obtenu trois fois de suite en 1991, 1992 et 1993 (heureuse époque et pointe de nostalgie).
Trois péons ont été honoré : El Formidable (Il faisait partie de la cuadrilla de Ruiz Miguel et son embonpoint respectable ne l'empêchait pas de lidier et banderiller avec efficacité et salero miuras, victorinos et autres bichitos qu'affrontait régulièrement son maestro), Jean Marie Bourret et El Chano (pourquoi pas un picador cette année...)

Pour plus de précisions, en particulier sur la manière dont le prix est attribué, voir ici

samedi 9 octobre 2010

Expertise des cornes 2009

L'Union des Villes Taurines de France a publié au mois de septembre le rapport d'expertise des cornes des toros réalisée dans les arènes françaises de 1ère catégorie (à l'exception notable de Nîmes qui semble craindre une telle expertise : aurait-elle des raisons pour cela?). Publication bien tardive alors que les résultats sont connus depuis bien longtemps. C'est regrettable car il me semble que la mise au grand jour des manquements à l'éthique taurine fait partie des moyens de lutte contre les fraudes; de ce point de vue une publication au moment où se prépare la temporada suivante serait plus judicieuse. A moins que...
Toutefois une telle publication a le mérite de l'exhaustivité et permet de dresser un panorama complet de la situation.

Du côté des élevages c'est celui de MIURA qui se distingue désagréablement avec 2 toros afeités à Arles et un à Béziers auxquels il faut rajouter 3 toros arréglés à Bayonne.
Sans oublier VALDEFRESNO qui déclare 6 toros arreglados (2 à chaque course d'Arles, Bayonne et Béziers).

Il est intéressant aussi d'aller voir du côté des villes. C'est MONT DE MARSAN qui avec 6 cornes touchées arrive en tête alors que DAX, la plus afeiteuse il y a deux ans, se retrouve cette année en dernière position (la plus honorable) avec 2 cornes touchées. Faut-il y voir, aussi bien au Moun que du côté de la Fontaine Chaude, la conséquence d'un changement de politique lié à l'arrivée de nouvelles équipes?

Voici pour finir la liste des lots qui sont sortis limpios (ni afeitado, ni arreglado) :
José ESCOLAR GIL (Vic Fezensac)
Domingo HERNANDEZ (Arles)
MARGÉ (Béziers)
La QUINTA (Vic Fezensac et Mont de Marsan)
Daniel RUIZ (Dax)

PS Pour encore plus d'exhaustivité, voir le travail de Florent sur son blog Aficion a los toros

jeudi 7 octobre 2010

Quelques photos du championnat de France des écarteurs à Mont de Marsan

Loïc Lapoudge, auteur de l'écart



Saut de Dominique Larié, pieds dans le béret et jambes liées




Baronne (Armagnacaise) un vache con trapío et au très beau galop

Callejon typique de course landaise (avec novillero local)


On peut cliquer sur les photos, c'est mieux.



mardi 5 octobre 2010

Genèse d'un écart fabuleux

Un écart, ça vient souvent de loin.
Il a d'abord fallu que Hugo VINEY-THOMAS, auteur d'un excellent départ qui le vit prendre la tête du championnat, soit contraint à l'abandon à la suite d'un coup de corne de MARIA (Deyris) qui lui déboîta l'épaule. Sur le sable du Plumaçon ne resta alors que le souvenir de ses beaux premiers écarts et l'épaulette de son bolero arrachée par la vache.
Puis il a fallu que Loic LAPOUDGE, désormais premier, se fasse dépasser par Mathieu NOGUES auteur de deux intérieurs devant la facile FOLGA (Deyris).
Que celui-ci enfin accroisse petit à petit son avance au point d'obliger le Béarnais à jouer son va-tout sur son dernier écart face à la corne d'or IBANEZA (Armagnacaise).
Et quel écart! Un de ceux qui font se lever le public d'un bond dans un cri où se mêlent, en une fraction de seconde, l'effroi devant la possible tumade, l'admiration pour le courage et la vista de l'écarteur, un sentiment de libération enfin lorsque ça passe.
Un écart qui n'était pas sans rappeler celui que réalisa dans les mêmes conditions Denis LAZARTIGUES à Dax pour le championnat 2007.
Et au final une somptueuse ovation pour Loïc LAPOUDGE mais il était trop tard, cela n'empêcha pas Mathieu NOGUES de remporter, en toute justice, le titre de champion de France, point d'orgue d'une saison exceptionnelle qui l'a vu dominer également les concours de Dax, de Mont de Marsan ainsi que l'Escalot.



Les résultats

1- Mathieu NOGUES 142
2- Loïc LAPOUDGE 137
3- Frédéric VERGONZEANNE 131
4- Hugo VINEY-THOMAS puis Vincent MUIRAS (remplaçant) 128
5- Jean Pierre DUMECQ puis Cyril DUNOUAU (remplaçant) 113
abandon Thomas MARTY



Dans le concours de saut, émouvante victoire de Dominique LARIÉ dont les efforts et le talent trouvent enfin leur récompense.

1- Dominique LARIÉ 80,50
2- Louis ANSOLABEHERE 79
3- Guillaume VERGONZEANNE 77
4- Nicolas GACHIE 67

mercredi 29 septembre 2010

Les animalistes cocufiés

Le 22 septembre dernier, en votant à une large majorité une loi qui blinde les correbous, le parlement de Catalogne espagnole a fait un sacré doigt d'honneur aux animalistes. Vous pouvez retourner à vos salades, nous n'avons plus besoin de vous.
Il est maintenant clair pour tout le monde que les larmes versées sur les pauvres toros de corrida par le parlement catalan en juillet n'étaient que des larmes de crocodile. La corrida devait être prohibée uniquement parce qu'elle symbolise la culture espagnole. Les correbous qui, eux, sont présentés comme authentiquement catalans sont autorisés. Cette catalanité aux relents nauséabonds est en droit d'inquiéter le citoyen autant que l'aficionado. Elle ne me dit rien qui vaille et c'est sans états d'âme que je boycotterai cette partie de la Catalogne le jour où les corridas auront été définitivement supprimées de son territoire.
Le paradoxe dans cette histoire c'est que si l'on en croit les expériences du professeur Juan Carlos Illera le toro brave ressent très peu la douleur durant sa lidia dans l'arène en raison des endorphines qu'il produit pendant le combat, alors que toutes les situations de stress liées au transport et à la contention sont les moments où il souffre le plus.

dimanche 26 septembre 2010

Manœuvres


Les toreros ne perdent pas le nord. A la suite de la prohibition catalane, les matadors de toros ont demandé une audience à la ministre de la Culture Ángeles González-Sindi (aux dernières nouvelles ce serait pour le jeudi 30 septembre). En cette période troublée pour la corrida, leur revendication principale serait de faire passer les affaires taurines de la tutelle du ministère de l'Intérieur à celle du ministère de la Culture!
Un vieux projet qui tient à cœur aux matadors, au mundillo ainsi qu'à leurs plumitifs. Et pour cause... On imagine les turpitudes que pourrait autoriser un tel transfert de compétence en particulier en ce qui concerne la présentation des toros et le rôle des présidences...
Et l'on est consterné d'apprendre que le PP, si prompt ces derniers temps à défendre la corrida, demande lui aussi à ce que la loi de 1991 soit changée dans le même sens.
Moralité : L'aficion est un combat permanent; dès qu'elle est en position de faiblesse - et c'est bien le cas en ce moment - les loups pointent leur nez, aussi bien ceux qui viennent de l'extérieur que ceux, plus démoniaques, de l'intérieur.


NB A lire le texte de Carlos Crivell El delicado momento de la fiesta de los toros sur son excellent site Sevillatoros.

samedi 18 septembre 2010

Blogs de ganaderias

Parmi les blogs taurins, voici la famille des blogs directement liés à l'élevage du toro; tous très intéressants pour les aficionados qui, comme moi, vivent très éloignés des réalités du campo bravo.

Deux français :
Ganaderia Meynadier
Ganaderia Finca Blanca

Quatre espagnols où l'on voit que le sang coquilla est particulièrement bien représenté :
Los coquillas de Cifuentes
Coquilla de Sánchez Arjona
Historia de una vida (Puerto de San Lorenzo)
Ganadería Los Maños

Un blog qui part à la recherche des restes de caste jijona :
Casta Jijona

Enfin le blog de Fabrice Torrito, mayoral français du prestigieux élevage andalou Marquis de Albaserrada :
Les carnets du mayoral

mercredi 15 septembre 2010

Nettoyer sa voiture un dimanche après-midi du mois de septembre

On est plein de mauvaises pensées, on espère secrètement que ce sera minable. Normal puisqu'on n'y est pas, puisqu'on a choisi de ne pas y être... Mais un doute sournois s'insinue, c'est peut-être aujourd'hui qu'il fallait y être. Les heures s'égrènent, on nettoie sa voiture, on arrose son jardin, on coupe quelques fleurs fanées, on essaie de prendre un livre mais on n'a pas la tête à ça.
Et puis le résultat brut dégringole du net, un déluge de trophées. On se rassure aussitôt, c'était à Dax ça veut rien dire. On sait bien que les Dacquois sont depuis longtemps de drôles d'alchimistes maîtres dans l'art de faire passer un spectacle médiocre pour une corrida triomphale... Oui mais Morante deux oreilles. Là ça titille, ça fait même un peu mal...il faut savoir vraiment. Alors on téléphone à un ami sûr, un compañero d'afición. Il y était lui et le couperet tombe : c'était bien, les toros bien présentés, quelques uns avec de la caste, et les naturelles de face de Morante, les plus belles depuis Manolo Vazquez...
Et dire que pendant ce temps on passait l'aspirateur dans sa voiture... comme un vrai con!

lundi 13 septembre 2010

Luis Antonio Vallejo "Pimpi"

"Si je n'avais pas été peintre, j'aurais aimé être un bon picador" déclara un jour Pablo Picasso.
Un bon picador, c'est ce qu'aura été Luis Antonio Vallejo "Pimpi".

Pour toutes les grandes piques qu'il a données mais aussi hélas pour toutes celles qu'il ne donnera pas.




Pablo Picasso Picador (céramique) 1955

samedi 4 septembre 2010

Quelques photos de la novillada de Mont de Marsan - Saintperdon

Pour Sergio Flores le pire : une fracture de la main au moment où il y a le plus de novilladas





Brindis de Thomas Dufau à Mathieu Guillon, blessé


Belle pique de Nicolas Bertoli, lauréat du prix attribué au meilleur picador



Tous au quite : cogida de Thomas Dufau lors d'un final par bernardinas



mardi 31 août 2010

Novillada de Saintperdon

Encore un lot de grand intérêt de Baltasar IBAN. Sans doute pas au niveau de celui de l'an dernier ici-même mais qui se termina par le combat d'un grand novillo honoré fort justement d'une vuelta al ruedo.
Des novillos qui, par leur côté extrêmement changeant constituaient de véritables énigmes. Et pour l'aficionado une invitation à revoir les concepts créés pour qualifier les toros de lidia. Etaient-ils braves ou mansos, nobles ou broncos, con casta ou con genio?
Tous s'employèrent avec ardeur sous les douze piques données mais tous se plaignirent ensuite de la morsure des banderilles. Certains cherchèrent l'abri des planches. La plupart alternèrent à la muleta noblesse vive et aspérité faite de coups de têtes désordonnés.

Le mexicain Sergio FLORES en fit les frais. Alors qu'il avait entrepris le premier novillo avec assurance et sincérité, il se fit accrocher et un méchant coup de plat de corne à la main mit fin à son combat (et peut-être à sa temporada). Mala suerte!

Du local Thomas DUFAU je retiendrai le meilleur. Tout d'abord sa prise en main efficace du novillo qui venait d'envoyer Sergio Flores à l'infirmerie. Facilité à mettre le novillo dans sa muleta qui témoigne d'un courage serein et d'une aisance technique indéniable. Ensuite une série de naturelle au 3 donnée avec temple et douceur.

Avec Lastimoso, sixième novillo de l'après-midi, Juan del ALAMO a trouvé son Bastonito. Le combat fut passionnant et longtemps indécis. Dès le début de la faena le novillero soumet son adversaire par des doblones puis par de magnifiques séries de derechazos et naturelles qui font rugir le public. Hay toro y torero! Mais un accrochage lui fait perdre le fil. Le novillero paraît épuisé, le novillo reprend le dessus et la fin de la faena est un peu confuse. Le Salmantin reprend l'avantage par un coup d'épée très engagé mais Lastimoso n'a pas dit son dernier mot : dès que le puntillero s'approche il se relève et le prend en chasse. Finalement les honneurs sont partagés : oreille pour le novillero et vuelta al ruedo pour le grand novillo.
Des courses de Baltasar IBAN on en redemande!

samedi 28 août 2010

A propos de trois corridas bilbainas


Corrida d'El Tajo et La Reina (José Miguel Arroyo "Joselito")

Joselito a un problème avec les cornes de ses toros. Déjà condamné pour afeitado à Logroño, le voilà de nouveau sur la sellette avec trois toros dont les cornes, astifinas à la sortie, se retrouvèrent dès le deuxième tiers dans un tel état de délabrement qu'elles eussent pu servir de pinceau aux plus grands maîtres de la peinture espagnole. Manipulation frauduleuse ou conséquence des fundas?
C'est d'autant plus regrettable que cette année encore son lot était intéressant avec trois bons toros, les 2 et 3 qui sont allés a mas et le sixième, un toro complet.

Leandro, modeste torero que je découvrais et qui se trouvait ce jour au paseo par on ne sait quel concours de circonstance propre au mundillo (au passage une belle plus-value pour les organisateurs puisqu'il remplaçait Cayetano - en d'autres termes un véritable hold-up) pourra se souvenir du mardi 24 août comme du jour où il n'est pas devenu célèbre. Toucher deux toros de ensueño à Bilbao et finir la course avec le modeste bilan de silence et salut c'est se condamner soi-même à rester dans le monton. Non qu'il n'ait su comprendre ses toros (il donna en particulier avec beaucoup d' à-propos de la distance au 6) mais son élégance un peu superficielle et ses coups d'épée désastreux ne pouvaient que le laisser aux portes du triomphe.

Et Morante qui toucha les deux plus mauvais!


Corrida de Victorino Martin

Si la corrida de Dax, de petit format mais de bonne caste, pouvait laisser de l'espoir, celle de Bilbao ne permet pas d'apercevoir la sortie du bache. Car ce qui caractérisa la corrida du jour -on sauvera le 3 encastado - c'est le manque de fiereza, de cet esprit guerrier qui fait depuis maintenant 50 ans d'une corrida de Victorino une corrida différente. Et si l'avenir devait ne se dessiner que sous la forme du quatrième, noble et pastueño à souhait, les victorinos seraient condamnés à rentrer dans le rang, à devenir des toros comme les autres.

Diego Urdiales est un grand torero. Toujours croisé, templando et ligando, utilisant la main gauche sans réserve, maître des terrains. Avec un courage sec et l'élégance un peu austère des grands toreros castillans... Diego Urdiales est un grand torero qui mérite de toréer beaucoup plus mais je ne suis pas sûr que les vedettes de l'escalafon seraient ravies de l'inviter à leur festin...


Corrida d'El Ventorrillo

La corrida se porte bien au Pays Basque. Hier le lehendakari assistait à la corrida de Victorino témoignant ainsi du soutien du monde politique basque à la fête des toros. Aujourd'hui un impressionnant no hay billetes.

Le second toro se acobarde dès le début de la faena du Juli et fuit vers les planches. Le Madrilène essaie de le retenir au centre, n'y parvient pas. Il abrège.
Le quatrième reproduit exactement le même comportement mais, on le sait, Ponce aime ce genre de toro. Bonne occasion pour lui de donner une leçon au petit Juli. Le maestro de Chivas n'hésite pas à le toréer dans le terrain des torils. Il le consent, l'aimante à sa muleta, le domine. Une estocade tombée le privera de l'oreille.
Au toro suivant c'est aussi par une estocade tombée que le Juli achèvera sa belle faena au noble sobrero d'Ortigao Costa. Le président sortira cette fois le mouchoir alors que la logique aurait voulu qu'il le réserve pour le jour où le Madrilène tuera sans tricher...Demain peut-être...

dimanche 22 août 2010

Trente ans après, Bilbao

Bilbao et ses corridas vues, avec trente ans de décalage, par une femme qui n'est pas aficionada.

Un nom d’abord, dont les années n’ont pas usé le charme. La première fois qu’on l’entend surgissent pêle-mêle un certain petit personnage de la littérature anglaise, un jeu d’adresse très simple et très ancien, une marque de bain moussant des années 70 qui prétendait à un raffinement extrême-oriental, l’Afrique, avec ses arbres énormes et ses noms de villages. A cette association de consonnes enfantines et de trois voyelles différentes - simplicité qui enchante- s’attache donc un je-ne-sais-quoi primitif et ludique doublé d’un exotisme confus. Bilbao est un ailleurs.
De la ville que je découvris il y a trente ans (cela ne fait pas exactement trente ans mais la rondeur du nombre convient mieux au sentiment intime de la durée qui me sépare de cette première rencontre) je garde une ineffaçable impression de laideur. Je me souviens du jaune sale du Nervion où flottaient des détritus. Je me souviens des murs gris, d’une sensation d’étouffement, de la poussière et des odeurs rances. Je me souviens de m’être souvenue des villes minières de Lorraine où s’est déroulée une partie de mon enfance. Ainsi, l’Espagne c’était aussi cela ? Je ne la connaissais que par l’Andalousie où , quelques mois auparavant, j’avais accompagné V.
Chaque fois, bien sûr, il s’agissait de tauromachie. Séville avait été le lieu de l’initiation. Séville, son ciel bleu, son printemps chaud et parfumé de fleurs d’oranger, la magie dérobée des patios au fil des déambulations dans les ruelles fraîches, qui font imaginer en passant toutes les intrigues, tous les drames, et soupçonner un art de vivre incomparable. Art de vivre dont la corrida serait comme la quintessence. Dans la blancheur des murs ourlés d’ocre, sur un sable doré et sous une lumière nette, on joue le plus sérieusement du monde avec les forces obscures qui nous meuvent et meuvent l’univers. « Puisque ces mystères nous dépassent , feignons d’en être les organisateurs… » Il se passe en ces lieux quelque chose d’extraordinairement grave et puéril à la fois, quelque chose qui ramène à l’enfance de l’humanité et qui est pourtant le signe d’un accomplissement . Je vis ainsi Curro Romero, El Viti et quelques taureaux qui, entrés bien vivants , furent traînés quinze minutes après vers la sortie, pauvres masses de chair inerte sur lesquelles, je l’avoue, je m’apitoyai.
L’été suivant, il y eut donc Bilbao et sa feria. Et ses arènes, comme juchées au fond d’une impasse et d’apparence si austère. Notre hôtel se trouvant dans les vieux quartiers , le long trajet qui permettait de gagner la plaza de toros a inscrit dans mon imaginaire une géographie très personnelle, l’impression d’arènes reléguées à l’extrémité de la ville, comme le O de son nom. Impression coexistant avec celle, totalement opposée, que j’eus à l’intérieur, où les cercles tracés sur le sable m’apparurent comme le cœur d’une série concentrique : autour des murs circulaires, la ville, elle-même enserrée dans une ronde de collines. Cette sensation presque physique d’être au cœur, je la devais aussi sans doute au fait que la corrida, ce moment essentiel de la journée puisqu’il me semblait que toutes les heures y conduisaient, était la clé, l’unique raison de notre présence dans cette ville.
J’y vis en effet deux corridas, pas une de plus.
Et en ce mois d’août 2009, la troisième. C’était un bonheur un peu paradoxal d’être là, trente ans plus tard. Au cours des années écoulées, quelque chose s’était passé qu’il était impossible de se rappeler en détail et qui paraissait mener à ces retrouvailles. J’ai reconnu les briques sombres mais les abords m’ont paru moins sales, moins tristes, comme si la métamorphose de la ville se reflétait sur les hauts murs de ses arènes. Je me suis abandonnée à la superposition tremblée du souvenir et des impressions présentes.
En entrant, une surprise : les gradins n’étaient plus gris mais bleus. Un bleu d’une nuance assez délicate , celle du plastique usé, délavé, des sièges. Le sable, dans ma mémoire, n’était pas si sombre et j’en ai été saisie. Après une matinée ensoleillée et chaude, je craignais l’accablement. Je crois maintenant que j’aurais été déçue si ne s’était pas produit ce basculement de fin d’après-midi vers l’atmosphère restée pour moi si caractéristique de la ville : un ciel bas et d’un gris hésitant entre l’argent et le plomb.
De sorte qu’une harmonie mate préside à la cérémonie. Telle était l’image que j’en avais gardée et c’est ainsi qu’obscurément j’avais rêvé de la retrouver. Je me suis dit que c’était cela que j’aimais à Bilbao : ce ciel un peu plombé, le sable sombre, une certaine lourdeur de l’air. J’aime cette antithèse du pittoresque, de l’éclat. Point de scintillements ni de reflets étincelants, éteintes les paillettes. Le rituel est d’un faste amorti, il semble que l’ on attendrait en vain un tragique flamboyant. La corrida de ce jour-là ne fut pas, je crois, de celles qui marquent les mémoires. Mais j’ai perçu à Bilbao, mieux peut-être qu’en un lieu plus lumineux , le caractère raffiné, exigeant, de ces rendez-vous de fin d’après-midi.

Laetitia D.