mardi 29 septembre 2015

Se couper la coleta

   Il est 19 heures passées de quelques minutes. Romancero, novillo cárdeno d'Ana Romero git sur le sable. Au centre de la piste, un jeune homme s'avance vers la présidence pour la saluer une dernière fois. Il vient de s'arracher la coleta et de tuer son dernier toro. Dans le vacarme de l'arène couverte d'Arnedo - cacophonie des orchestres des peñas qui recommencent à jouer, sifflets du public, applaudissements de ceux qui ont compris - il retourne maintenant vers la barrera, le visage embué de larmes.
   Pour Louis Husson une nouvelle vie commence.




 Louis Husson  27 septembre 2015 Arnedo

vendredi 18 septembre 2015

Clivage ?

   "La critique de la défaillance du toro-toro est toujours plus sévère que celle du toro moderne. Comme si la défaillance était dans la nature propre du second, et inadmissible dans celle du premier." (Manolillo, Toros n° 2007-08, septembre 2015)

   Il a raison, Manolillo, c'est en tout cas ainsi que, personnellement, je juge bien souvent les toros. Une différence de traitement qui mérite qu'on s'y attarde.
   Une mauvaise corrida "moderne" (entendons par corrida moderne une corrida pour figures, en général d'origine domecq) est quelque chose de si attendu par l'aficionado qu'il se contente de pester pour la forme. Il y a en effet pour ce type de toro une logique ganadera bien particulière. La recherche exclusive de la toréabilité au derniers tiers, et, a minima, d'un toro qui ne gène pas trop la figura, va de pair avec la réduction du nerf et de la force au minimum exigible, et implique que les produits d'une telle alchimie sont toujours sur le fil du rasoir. Pour un qui atteint les objectifs de toréabilité de l'éleveur, de nombreux autres, faibles et décastés, n'apportent qu'ennui à l'aficionado et au grand public.
   Au contraire, on attend systématiquement de la force et de la caste de la part des élevages qui s'enorgueillissent d'élever du "toro-toro". Et si en plus, cerise sur le gâteau, ils ont de la bravoure et de la noblesse, tant mieux.
   Et lorsque sortent des chiqueros des toros faibles, décastés, sosos, ennuyeux, l'aficionado estimera qu'il y a tromperie sur la marchandise s'il s'agit d'un fer réputé "dur". S'il s'agissait en revanche d'un élevage moderne, il se dira que c'est le prix à payer pour voir les figures et que demain, peut-être...
   On en est là aujourd'hui, dans cet état schizophrénique subi par l'aficionado. Subi mais parfois entretenu, car le parti-pris ou bien les positions trop rigides voire carrément sectaires contribuent aussi à cliver les jugements. Ainsi il est parfois difficile à un aficionado "toriste" d'admettre l'excellence du comportement de certains toros issus de ganaderias "commerciales". Et, à l'inverse, dès que sort un lot très encasté dont la lidia est compliquée mais passionnante, on entend le chœur des effarouchés (dirigé par certains critiques taurins) clamer que ces toros sont illidiables, d'une époque révolue.
   Heureusement, parfois, les lignes se rapprochent. A Madrid, la semaine dernière, le bon jeu des toros de Saltillo, que d'aucuns attendaient de muy mala casta, a permis à deux modestes parmi les modestes de couper des oreilles. Et je me souviens de l'excellente corrida de Nuñez del Cuvillo qui, en 2011, à Bilbao, avait permis à Morante de la Puebla un triomphe de lidiador et d'artiste et avait fait suer la goutte à Manzanares fils et à David Mora. Il n'y avait plus alors de corrida toriste ou torériste mais LA CORRIDA.

vendredi 11 septembre 2015

Exploit

   A Bayonne dimanche, deux toros ont montré un réel attrait pour la fuite vers les planches. Le troisième "Campanito" m'a paru être un champion en ce domaine. A la sortie de la deuxième passe de muleta donnée par Adame assis sur le marche-pied côté ombre, il fila comme un bolide vers les barrières opposées du soleil. Un exploit qui met à mal les récentes performances des pensionnaires de Dolores Aguirre.
   Encore quelques efforts, Domingo Hernandez, vous êtes en passe de devenir la nouvelle coqueluche de l'aficion torista!


















Dans quelques secondes Campanito (le bien nommé) sera de l'autre côté de la piste.

lundi 7 septembre 2015

Bayonne

 




















Dimanche 6 septembre 2015    Lachepaillet   Bayonne
beau temps frais et venteux
lleno

6 toros de Domingo Hernandez "Garcigrande" (12 piques) pour Sébastien Castella (salut, salut), Ivan Fandiño (salut, salut) et Joselito Adame (silence, une oreille).

En remplissant les vastes arènes de Lachepaillet (10 000 places, les plus grandes du Sud Ouest), le public avait répondu à l'attrait de l'affiche. Pour autant, si elle fut entretenue, la tarde n'atteignit jamais les sommets espérés.
L'élevage de Domingo Hernandez est actuellement l'un des plus prisés des organisateurs et des matadors pour la régularité des triomphes qu'il permet à ces derniers. Le lot du jour fut inégal en tout, présentation et caste. Détaillons.
On voit rarement - encore plus rarement dans ce genre de course - un toro atteignant les six ans (né en septembre 2009), qui plus est armé de dagues longues et astifinas. C'est tout à l'honneur de Sébastien Castella de l'avoir combattu. Mis en confiance par ses bonnes charges à la cape il commit l'erreur de le faire trop peu piquer (une pique et un picotazo) et se retrouva au troisième tiers avec un adversaire donnant des coups de tête à tout-va.
Le second  alla a mas, avec du piquant dans la muleta de Fandiño. Mauvais, le troisième qui rompit le combat dès le second muletazo pour fuir à l'autre bout de la piste.
Le quatrième, laid, se laissant toréer de loin comme de près, était un de ces toros qui ont fait la réputation commerciale de l'élevage. Idem pour le 5 faible et fadasse.
Le 6 enfin constitua un cas d'école de toro qui change radicalement de comportement au cours de sa lidia et se dégonfle comme un ballon de baudruche (rajarse). Noir, petit mais bien fait et bien armé, il charge à la cape avec codicia, raclant même l'arène de ses cornes. Il prend deux piques sérieuses en poussant de tout son corps comme un vrai brave (une troisième est demandée par certains spectateurs mais la présidence change le tiers) puis se montre vif et fixe aux banderilles. Tous les attributs, enfin, d'un toro authentiquement brave. ... Patatras! à l'issue de la deuxième série il s'enfuit, lui aussi, vers les tablas où il se cantonnera, désormais à la défensive comme le vrai manso qu'il est devenu.

Sébastien Castella actua avec la sérénité ... et l'engagement minimal de quelqu'un qui a déjà la temporada jouée et bien jouée. Il n'alla pas à la guerre avec le piquant premier et, peu aidé, il est vrai, par une musique d'enterrement, se cantonna vite au 4 dans un toreo de proximité sans grand intérêt.
Comment va le malade? Plus la saison avance et plus on ausculte chaque actuation d'Ivan Fandiño dans l'espoir d'y trouver des raisons d'espérer. La situation est pesante car malade il y a effectivement : nervosité, tics, difficulté à trouver le sitio, engagement moindre ... mais volonté intacte. Face à l'exigeant second, le Basque connut, au milieu des approximations, quelques réels bons moments qu'une épée défaillante laissera sans prix. Mais est-ce bien raisonnable de pointer son épée vers le ciel pour tuer un toro brave? Il abdiqua trop vite face au fade cinquième dont, en d'autres temps, il n'aurait fait qu'une bouchée, donnant l'impression d'un homme atorado.
Joselito Adame, mal servi, coupa l'oreille de consolation du dernier toro grâce à un recibir d'effet rapide. On tua en général défectueusement tout l'après-midi.
En préambule à la corrida, le rejoneador Leonardo Hernandez fut sobre et précis (oreille) face à un murube de Los Espartales, gros, brave et faible.