jeudi 31 mai 2012

Ma feria de Vic (3)


Viva Santa Coloma



Mansos con casta la majorité des GRANIER, brave et noble le 5, tous solides et mobiles. Ils bénéficièrent d'un tercio de piques mené à la manière d'une corrida-concours grâce à l'opération Toros de France (prix au meilleur picador attribué à Antonio Garcia de la cuadrilla de Joselillo).
Il est rare d'assister dans une arène à un effondrement aussi massif que celui dont fut victime Raul VELASCO. Une inhibition totale, l'incapacité de faire appel au moindre geste technique, un seul réflexe la fuite. On imagine la souffrance de l'homme.
On mesura par comparaison à quel point le mérite de Julien LESCARRET et de JOSELILLO fut grand. Capacité à rester quieto, à aguantar les charges d'un animal de 500kg, à réfléchir au fur et à mesure du déroulement du combat pour trouver les solutions appropriées. Cela, tous deux purent le faire.


Il y eut dans le lot de FLOR de JARA deux très bons toros.
Rabinegro, sorti en deuxième position, brave et d'une noblesse allègre sur la corne droite (vuelta). Juan BAUTISTA lui donne une faena rythmée, agréable mais superficielle (oreille).
Gallinita magnifique cárdeno sorti en quatrième position fut un des toros les plus intéressant de la feria. Brave et puissant, d'une charge rugueuse, con mucho que torear. Face à lui Antonio BARRERA, qui remplaçait Ivan Fandiño blessé, n'abdiqua jamais et confirma son excellente tarde d'hier.
David MORA, lui,  face à deux toros plus fades ne put faire mieux que montrer son élégance et son bon goût.




















photos : toros des frères Granier "La Cruz"
              Gallinita de Flor de Jara

mercredi 30 mai 2012

Ma feria de Vic (2)



La corrida-concours

Mirasoles de CARRIQUIRRI (origine Nuñez) est un petit mais harmonieux cinqueño à la robe tigrée (chorreado). Il tire des gañafones à la cape puis pousse correctement sous 3 piques traseras après avoir longtemps hésité à se lancer. Court de charge, soso mais noble dans la muleta persuasive d'Antonio Barrera. Palmas à l'arrastre.

Rastrojero de José Joaquin MORENO DE SILVA (Saltillo) prend 4 piques peu convaincantes avec une tendance à trottiner pour se lancer à l'assaut et à sortir seul. En revanche, il est mobile, solide et fait preuve d'une belle noblesse très pastueña au troisième tiers, rappelant que les Saltillo ont été au début du XXème siècle les favoris des figuras. Ovation.

Torreon de Fidel SAN ROMAN (Villamarta par Guardiola) est un toro de grand trapío, negro, hondo. Il s'élance de loin et sans hésiter pour 4 piques dont la dernière al regaton. Certaines trop dures, traseras, avec carioca. Son début de combat à la muleta autorise tous les espoirs car il fait preuve de fixité et de noblesse dans ses premières charges. Hélas! très vite il montre des signes d'épuisement puis se raidit et ne charge plus, il est visiblement à bout de force, incapable désormais du moindre mouvement. Ovation toutefois à la dépouille du brave animal et beaucoup d'interrogations sur cette baisse de régime : excès de châtiment à la pique ? excès de muscles inutiles, un culturiste plutôt qu'un athlète? alimentation inadaptée qui ne favorise pas l'effort long (cf la thèse du vétérinaire Hubert Compan)?

Le quadrupède provenant des pâturages d' Esteban ISIDRO avait un physique parfait de cabestro, pelage, cornes, allure générale, les couilles en plus. Il en avait aussi le mental : un vrai morucho indigne de figurer dans une corrida-concours. Le paradoxe est qu'il fut, grâce à la fabuleuse lidia que lui donna Antonio Barrera, le protagoniste du moment le plus fort de la feria. Ovation à sa dépouille!

Le pensionnaire d'ALCURRUCEN (Nuñez) un cinqueño giron et grassouillet manque de fixité sous 4 piques anodines. La noblesse de sa corne droite restera inexploitée par Ivan Garcia. Silence.

Enfin le pensionnaire de La REINA (un domecq de Joselito) est un musculeux jabonero à l'armure escobillée. Brave mais tardo en 3 piques puis faible de pattes et quedado à la muleta. Silence.

L'an dernier, Ivan GARCIA avait été la bonne surprise de la feria. Cette année, malgré un sorteo favorable, il erra comme une âme en peine, sans illusions, sans sitio.
Avec deux toros vite éteints Morenito de ARANDA ne put que montrer ses bonnes manières.

Le grand bonhomme du jour fut Antonio BARRERA. Il montra sa meilleure face, celle d'un torero maduro, d'un lidiador efficace et d'un homme courageux et responsable. Son combat contre l'impressionnant morucho d'Esteban Isidro restera pour moi le grand moment de cette feria.
Alternant intelligemment tentative de toreo moderne (les publics d'aujourd'hui ne sauraient s'en passer), toreo de jambes et toreo de châtiment il parvint à réduire la bête avant de l'estoquer avec un engagement total. Et il en fallait du courage pour aller mettre cette épée au-delà des cornes démesurées du monstre. Une grosse oreille et le respect de l'aficion.

Le prix du toro le plus brave a été attribué à Rastrojero de José Joaquin Moreno de Silva.



Photos : ci-dessus, Rastrojero de J. J. Moreno de Silva
              en haut de la page, Torreon de Fidel San Roman
           

mardi 29 mai 2012

Ma feria de Vic 2012 (1)




Lorsque j'ai quitté Vic  lundi en début d'après-midi c'est avec le sentiment d'y avoir trouvé (en partie) ce que j'étais venu y chercher : des toros dignes de ce nom, des tercios de pique qui permettent de mettre en valeur ces mêmes toros. Certes nous fûmes loin de la perfection, le but n'étant pas de l'atteindre mais de sentir qu'il y a une volonté de le faire. C'est d'ailleurs dans ce domaine que, pour bien des choses,  le bât vicois blesse. On a en effet parfois l'impression que dans certains de leurs choix, les organisateurs ne vont pas jusqu'au bout de leur idéal proclamé. Deux des toros d'Escolar Gil n'auraient jamais dû sortir dans le ruedo vicois; on a déjà beaucoup glosé - ici et ailleurs - sur les choix étranges des élevages de la corrida-concours; enfin, en dehors des corridas extraordinaires (concours et toros de France) on a le sentiment que rien n'est vraiment entrepris pour favoriser le tercio de piques. Malgré cela, au final quelques sujets de satisfaction : une corrida-concours assez intéressante et deux lots de toros d'un grand intérêt, celui  des frères Granier dimanche puis celui de Flor de Jara lundi.

Mais je vais aussi à Vic dans l'espoir d'assister à de belles faenas car c'est devant le toro sérieux que l'on présente généralement ici que le toreo artistique prend toute sa valeur et son importance, qu'il permet à l'aficionado d'en savourer toute la profondeur et d'en garder les traces vives.
Hélas dans ce domaine, cette année, la récolte est bien maigre. Le hasard, qui joue son rôle dans le déroulement d'une feria, a laissé sans possibilité des toreros tels que Sergio Aguilar, Morenito de Aranda ou David Mora. D'autres, en revanche, comme Ivan Garcia ou Raul Velasco n'ont pas été capables de tirer parti d' adversaires de valeur.

Chaque corrida a commencé avec le même rituel : la bronca essuyée par le maire lorsqu'il remettait les clés du toril à l'alguazil.
Je comprends la colère des épiciers et cafetiers locaux - sans doute nombreux sur les étagères - devant le manque à gagner qu'a constitué pour eux une fête qui s'est déroulée cette année avec un public réduit.
A vrai dire, au delà  de la bronca qui grondait, on voyait aussi beaucoup de spectateurs applaudir. Je m'en suis réjoui car je ne suis pas de ceux qui pensent que promouvoir des beuveries collectives généralisées pour mieux faire accepter le manque d'illusion, le vide de l'existence et la soumission le reste de l'année  soit digne d'une société qui se prétend hautement civilisée.

Toujours est-il que la suppression de la fête "en ville" n'a pas enlevé beaucoup de spectateurs aux arènes. Les entrées réalisées (trois-quart d'arène pour chacune des corridas) m'ont semblé  de nature à réjouir le trésorier du Club Taurin Vicois.


La corrida d'Escolar Gil


Le retour attendu de l'élevage de José ESCOLAR GIL a été une déception en raison du manque de trapío du lot avec en particulier deux toros anovillados qui furent fortement protestés.
La corrida valut surtout par le comportement des hommes.
EL FUNDI actua en maestro retrouvé. Il améliora et domina ses deux toros. Pour sa dernière prestation ici il dut affronter l'hostilité du public mis à cran par le peu de prestance du quatrième toro. Heureusement celui-ci se montra le plus encasté du lot ce qui permit au "gendre du ganadero" de se battre et de montrer à tous qu'il était revenu non loin de son meilleur niveau. Il eut sans doute le tort de trop prolonger la faena ce qui occasionna des difficultés à la mort et l'empêcha de couper une oreille qui aurait permis une despedida plus souriante et plus en rapport avec les tardes glorieuses qu'il a connues sur le sable vicois.
Fernando ROBLEÑO actua lui aussi, tant de cape que de muleta, à un excellent niveau. Il torea le 5 (seul beau Escolar Gil de l'après-midi) avec temple exquis, réussissant parfaitement à s'adapter à la noblesse doucereuse de son adversaire. Vuelta après pinchazo et belle entière.
Sergio AGUILAR ne put briller que dans la belle réception de son premier par véroniques en parones. Le sixième, véritable alimaña, lui vint directement dessus à la troisième passe de cape (forte cogida) et le prit à nouveau de plein fouet lors d'une naturelle citée avec trop de sincérité pour un tel adversaire.

samedi 26 mai 2012

Toros en Gironde 2012

CAPTIEUX
dimanche 3 juin

matin 
tienta de vaches des frères Bats par les élèves du Centre Français de Tauromachie (Nîmes)

17h novillada
Vicente Ruiz
Alberto Duran - Juan Leal - Martin Escudero

plus d'info sur Rugby y Toros, le blog




LA BREDE
samedi 23 juin

11h novillada sans picadors
frères Bats
Clementito - Jean Baptiste Molas

18h corrida
Baltasar Iban
Antonio Nazaré - Arturo Saldivar - Thomas Dufau

programme ici



Les arènes girondines ont toujours le chic pour élaborer des cartels originaux et intéressants.
A Captieux on pourra découvrir un élevage totalement inconnu (origine domecq ) ainsi que le novillero Alberto Duran dont on dit le plus grand bien.
A La Brède les toros de Baltasar Iban, eux, ne sont plus à présenter; ils seront combattus par un trio de jeunes aux dents plus ou moins longues. La belle affiche de Loren rappelle que La Brède est située au cœur du vignoble des Graves.

dimanche 20 mai 2012

Culture plurielle ou ovinisation

Pour signer, si ce n'est déjà fait, la pétition contre la suppression de la rubrique Tauromachie dans Libération :

http://www.petitionpublique.fr/?pi=P2012N24507




Pour, sur le même sujet, lire le beau texte d'Olivier Deck, paru sur son blog Tauromaquis :

Je ne suis pas l'Autre (de Blondin à Durand)

jeudi 17 mai 2012

Toreros, film d'Eric Barbier




Film de fiction sorti en 2000, tourné avec des acteurs de renom, Toreros est, comme son titre l'indique, un véritable film taurin. Et chose surprenante pour un film de cette catégorie, il ne s'agit pas d'un sympathique nanar mais d'un excellent film.
Il faut dire qu' Eric Barbier est un bon réalisateur, à la carrière hélas longtemps oblitérée par l'échec commercial de son premier film Le brasier. Savoir s'entourer de personnes compétentes fait partie du talent et l'on est ici en bonne compagnie avec non seulement Alain Montcouquiol qui officie en tant que conseiller technique (il parle longuement de cette expérience dans son livre Le fumeur de souvenirs), mais aussi Jacques Durand qui a participé au scénario. Ces collaborations ne sont sans doute pas étrangères au regard juste que porte le film sur un monde dur, picaresque, celui des courses de village, des sans-grade (ici les enanitos), des ratés de la profession. Un monde d'illusions perdues qui tournent au pitoyable, au sordide, au tragique aussi.
La face lumineuse de ce film sombre est incarnée par le maestro José Miguel Arroyo qui joue ici son propre rôle (on le voit également, dans des images d'archive, toréer à Las Ventas).
L'autre réussite du film est la manière dont nous est montrée la complexité des relations entre le jeune matador (Olivier Martinez) et son père (Claude Brasseur, remarquable dans le rôle d'un homme ignoble).
Enfin, pépite incluse dans le film et qui rajoute encore à sa noirceur, une des séquences est la parfaite adaptation à l'écran de la nouvelle d'Hemingway La capitale du monde.

dimanche 6 mai 2012

Plus jamais ça!
















Après cinq ans de honte nous voilà enfin débarrassés de ce sale type.
La plus belle faena de l'année!

vendredi 4 mai 2012

Balade flamenca (3)


Vous prenez les mots de Ludovic Pautier - dits par lui-même, les photos de Jean Louis Duzert -projetées sur grand écran par lui-même, la musique flamenca jouée par le guitariste Tony Hernandez accompagné d'Ahmed aux palmas... et vous obtenez un spectacle formidable, une fusion des sens encore amplifiée si vous avez en main un verre de Jerez fino des bodegas Lustau, que dehors l'orage gronde et que vous êtes dans un château con solera aux planchers qui craquent et sentent la cire. Je crois bien que le duende a visité le château Bardins ce soir-là.
Et j'espère que d'autres publics, en d'autres lieux, éprouveront un aussi grand plaisir que fut le mien à savourer la prestation des quatre artistes.


Photo tirée du blog L'instinct des thés... et divers

mardi 1 mai 2012

Balade flamenca (2)


Cette balade continue avec un magnifique petit livre de poésie édité, avec un raffinement palimpsestueux par Atelier Baie et à nouveau signé Ludovic Pautier. Sous-titré Poésie et flamenco, cet Ivoire brisé nous mène aux confins  de la terre promise qui surgit parfois au cours d'une soirée flamenca lorsque le duende s'empare du cantaor.
Hommage à des artistes, évocations de chants, d'accords, de lieux, d'instants, qui par la magie des mots du poète demeurent comme l'écho de moments de vie qui se refusent à disparaître.
Ludovic Pautier est un passeur. Ses mots ont de la saveur, ses poèmes du rythme.

                    L' étoile ployée de sa bouche dit
                    d'une langue
                    l'huile et le limon,
                    se couvre
                    de fragiles craies
                    et fronce
                    le silence.
                    Au second souffle
                    il y a secousse
                    d'ivoire brisé,
                    celui de la hanche d'El Viejo, son père
          qui alignait les rails sans se plaindre jusqu'au feu de camp.
                    Sa seguiriya
                     ralentissait les locomotives.
                    "Agujetas"
                    avec le poing encore haut,
                    quand ta langue
                    se tait,
                    son incision
                    un infime suinté de sang,
                    se prolonge
                    jusqu'au souffle de l'autre
                    jusqu'au poids de sa chair.

               (fin du poème "Agujetas", p. 9)


Ludovic Pautier, Ivoire brisé. Poésie & flamenco, Atelier Baie, 2011