jeudi 27 août 2009

Les derniers jours du monde




Dans ce road movie décalé de science-fiction apocalyptique, on sent que les frères Larrieu se sont bien amusés. Et nous aussi par la même occasion. Nous voilà entraînés à la suite de Robinson Laborde (Mathieu Amalric) dans des pérégrinations érotico-tragiques dans le sud de la France et le nord de l'Espagne. L'occasion pour les cinéastes de nous montrer la San Fermin. En effet, Robinson se retrouve par hasard à Pampelune en pleine feria. Ce qui nous vaut de magnifiques images du chupinazo et de l'encierro ainsi qu'une réplique drolatique de Catherine Frot (Ombeline) qui l'accompagne et découvre les habitudes locales : "C'est une ville bien étrange, tout de même!" Pas de scène de corrida en revanche car Robinson ne réussit pas à se procurer de place. Dommage!
La fin du film est un peu longue et tarabiscotée comme si les réalisateurs lourdais avaient eu du mal à cesser le jeu : il faut savoir arrêter une faena à temps! Il n'en reste pas moins que le film m'a laissé une impression étrange et profonde de malaise teinté de jubilation.

mardi 25 août 2009

Trois jours à Bilbao au cœur du fiasco


Mardi : toros de Fuente Ymbro pour El Cid, Sébastien Castella, Miguel Angel Perera
Mercredi : toros de El Ventorrillo pour Enrique Ponce, Sébastien Castella, José Maria Manzanares
Jeudi : toros de El Tajo et La Reina pour Enrique Ponce, Morante de la Puebla, El Cid

Toros de FUENTE YMBRO : très bien présentés mais très décevants, sans caste, sans présence au cheval, une désillusion
Toros de El VENTORRILLO : très bien présentés, mansos, âpres, rajados, distraits, fuyards, sortant de la muleta pour se réfugier aux barrières, un véritable fracaso ganadero.
Toros de El TAJO et La REINA, propriété de José Miguel Arroyo qui se présentait à Bilbao en tant que ganadero : braves au cheval, le troisième très encasté, les autres allant a menos.

Enrique PONCE a donné son annuelle leçon de tauromachie dans la cátedra bilbaina. On l'admire, comme on admire le savant exposé d'un professeur qui s'exprime parfaitement. Mais on a du mal à s'émouvoir... sauf lorsque le maestro, pris à partie par un spectateur turbulent et irrespectueux ("arrimate" osa-t-il lui crier), se fache. Tueur calamiteux. Fracaso complet de sa cuadrilla : banderilles à l'unité et toro relevé trois fois de suite à la puntilla.
Morante de la PUEBLA : trois derechazos trois, mais trois derechazos de Morante...; apporte la passion dans l'arène : bronca et forte division d'opinions.
El CID : parvint à masquer aux yeux du grand public sa difficulté actuelle à toréer de verdad; n'a pas pu avec le bon et exigeant toro de Joselito. En revanche tueur sûr.
Sébastien CASTELLA : quatre toros difficiles (par absence de caste) avec lesquels il n'a jamais trouvé la solution. Un échec qui montre que Sébastien n'a pas encore atteint sa pleine maturité.
Miguel Angel PERERA : bonne faena au troisième, con aguante y mando, améliorant et dominant le toro (vuelta). Largement au-dessus du Perera indulteur.
José Maria MANZANARES : bonne faena et bonne estocade (une oreille)

Les véritables triomphateurs de ces trois jours, les banderilleros qui ont donné un récital de courage, poder y arte : Curro MOLINA, Joselito GUTIERREZ, Juan José TRUJILLO, Luis BLAZQUEZ, Curro JAVIER et ALCALARENO.
NB photos magnifiques sur Campos y Ruedos

lundi 24 août 2009

La noblesse des Saltillo

La grande noblesse du lot de novillos d'Adolfo Martin lidié à Dax pendant la feria en a surpris plus d'un, à commencer par moi-même. Six novillos qui mettent la tête dans la muleta et vont jusqu'au bout de leur charge, c'était à vrai dire assez inattendu. Le bémol, c'est qu'ils ont manqué d'un peu de poder pour être un grand lot. Est-ce que ce manque de poder témoigne d'une édulcoration de leur caste? C'est possible, mais on peut aussi penser que la maigreur, l'absence de muscle de l'ensemble du lot y est pour quelque chose. Il est d'ailleurs étonnant, à l'heure où la plupart des ganaderos produisent davantage de viande que de caste, de voir un lot si peu en chair. Une pitié pour les bouchers!
Toujours est-il que cette noblesse, on la retrouve également chez certains Victorino, mais aussi chez les pupilles de José Joaquin Moreno de Silva (saltillos en ligne directe) - cette année à Madrid, Parentis - novillo primé, et tout récemment à Carcassonne.
Sans doute faut-il se rappeler que les toros du Marquis de Saltillo ont été mis à la mode par Guerrita à la fin du XIXème siècle en raison de leur taille et de leur puissance réduites. Ils étaient pour les figures de l'époque une alternative aux Veragua, Miura et autres jijones. En somme, les domecqs d'aujourd'hui.
N'oublions pas non plus que, jusque dans les années 70, les vedettes se disputaient les Buendia, dont une partie est issue de l'apport saltillo.
Nul ne sait ce que sera l'avenir de cet encaste; il est bien sûr à craindre que la recherche d'une trop grande noblesse ne les mène au descastamiento comme on peut en constater chaque jour les ravages chez les domecqs.
Pourtant, entre noblesse assumée, caste piquante, mais aussi nécessaires alimañas, les lendemains peuvent encore chanter pour les Saltillo.

dimanche 23 août 2009

Javier Cortés

On suit parfois un jeune torero avec plus d'attention que les autres. Souvent par le fait du hasard. On a assisté à ses premiers pas et il nous a ému; un lien ténu qui ne demande qu'à se renforcer s'est ainsi créé.
Il y a trois ans, en matinée, dans les arènes de Roquefort, Javier Cortés avait affronté un eral manso de Malabat avec une telle entrega et une telle verdad que tous les aficionados présents avaient pensé qu'il y avait de la graine de torero chez ce gamin-là.
Depuis j'ai eu l'occasion de le revoir puisqu'il a poursuivi, avec des hauts et des bas, une carrière honorable de novillero qui se forge à la force du poignet. A Roquefort, le quinze août dernier, il a toréé son premier La Quinta avec toute la douceur et le temple que requerrait un novillo incertain, au point de construire une faena convaincante et de faire paraître son adversaire meilleur qu'il n'était. Puis, avec le quatrième, un excellent exemplaire comme on désespérait d'en voir à nouveau chez l'élevage de Palma del Rio, une faena avec beaucoup de ligazon malgré quelques difficultés parfois, car le novillo avait de la caste et ne pardonnait pas la moindre erreur. Pourtant, les deux fois, en raison du maniement catastrophique des épées, il entendit les sifflets du public et regagna les barrières la rage au ventre et les larmes aux yeux. Deux jours plus tard, à Dax, à nouveau une bonne faena face à un très noble Adolfo Martin et nouvel échec à l'épée.
Javier Cortés a du courage, de la technique, de la sincérité, du temple; c'est sans doute actuellement le novillero le plus intéressant (avec Juan del Alamo) du modeste escalafon novilleril et pourtant, avec ses déficiences à l'épée (accentuées par sa petite taille), on a du mal à envisager pour lui un avenir glorieux... JC, un espoir sans avenir?

mercredi 12 août 2009

Un week-end aux arènes (3)

Dimanche : Parentis, final aigre-doux


Ce qui fait parfois l'intérêt (voire le charme) de certaines courses c'est leur côté rendez-vous manqué, malentendu, quiproquo. Je me souviens d'une corrida de septembre à Dax - ce n'est pas si vieux mais me paraît aujourd'hui dater d'avant le déluge - où Emilio Muñoz et Julio Aparicio s'étaient retrouvés face à un lot âgé, armé et bourré de mala casta de Manolo Gonzalez. Inutile de dire qu'on ne vit pas la moindre cosita artistique et que l'affaire fut rondement expédiée malgré les protestations outrées de l'innocent public dacquois. On dut même faire appel aux forces de l'ordre afin de protéger la sortie d'Emilio Muñoz dont la concision remarquable n'avait pas été appréciée par tous.

Mais la situation inverse peut aussi se produire. Comme à Parentis ce jour...
En raison de leurs précédentes sorties en cette même plaza, on attendait un lot terrible de RASO DE PORTILLO dont on espérait qu'il allait tout casser lors du premier tiers. Las, le premier novillo se chargea de mettre les pendules à l'heure (l'heure du toro moderne). Un bicho sans trapío, monopiqué et qui passa, malgré sa faiblesse, l'essentiel de sa vie publique le museau au raz du sol prêt à suivre tout chiffon qui passait à sa portée. Imaginez la consternation sur les étagères. De fait, c'est la noblesse qui fut la qualité principale du lot avec en point d'orgue le troisième, un toro pour chanter le toreo.
Et comme, en outre, la terna du jour n'était armée ni pour la guerre, ni pour la paix, la tarde tourna à la déconfiture.
Carlos Guzman, pourtant vu à son avantage ici-même l'année dernière, semble avoir abdiqué toute prétention à devenir torero.
Felix de Castro donnait l'impression de fouler pour la première fois de sa vie le sable d'un ruedo. La bonté du second lui permit de donner de bonnes naturelles qui semblaient le surprendre lui-même au fur et à mesure qu'il les donnait.
Quant à Santiago Naranjo, avec un sorteo de rêve, il abusa du registre pueblerino et tua ignominieusement de deux bajonazos.
Voilà comment, avec un lot pas si mauvais qu'il en avait l'air, avec trois despistados dans le ruedo, et devant un public venu pour autre chose que ce qu'on lui proposa, arriva la fiasco.

mardi 11 août 2009

Un week-end aux arènes (2)

Samedi : Parentis, plat de résistance

Pari osé que celui de la novillada-concours et au final une belle réussite, devant une arène comble.
Des novillos parfaitement dans le type de leur encaste. Absolument magnifiques le Partido de Resina (como no), Prieto de la Cal (precioso jabonero claro) et Salvador Guardiola (noir au poil luisant). Grande ovation pour les trois à la sortie du toril.
Tous les novillos prirent trois à quatre piques après avoir été, en général, remarquablement mis en suerte.
Somptueuse sortie de toro encasté pour le PARTIDO DE RESINA qui prit les piques avec alegria mais sans réellement pousser. Bronco à la muleta.
Le PRIETO DE LA CAL eut lui aussi une sortie tout feu tout flamme, puis il poussa par à coup sous le fer et se montra difficile au troisième tiers.
Le MORENO DE SILVA, cárdeno, fit preuve de bravoure et de noblesse. Il fut même pastueño dans la muleta de Francisco Pajares. A lui le prix au meilleur novillo.
Mais l'exemplaire de Salvador GUARDIOLA l'aurait mérité tout autant. Il ne fut pas économisé aux piques ce qui ne l'empêcha pas de charger jusqu'au bout au dernier tiers. Il était porteur de la bonne caste des Villamarta qui, chez les toros du même fer, est, à mon avis, trop souvent étouffée par un excés de poids.
Manso, le pupille colorado d'Alonso MORENO.
Enfin, le COQUILLA DE SANCHEZ ARJONA, à l'armure discrète, montra bravoure et noblesse atténuées par trop de soseria.

Chez les hommes, Daniel MARTIN actua en vrai novillero, vaillant, opiniâtre même, jusqu'à la cogida, mais brusque dans le maniement des leurres et fatal à l'épée.
Julian SIMON, discret en tout.
Francisco PAJARES m'a semblé être un imitateur de José Tomas. Il va même jusqu'à cultiver une certaine ressemblance physique, avec chevelure ad hoc. Il en a aussi - ce qui est plus intéressant - la douceur et le temple. Par ailleurs, piètre estoqueador.

lundi 10 août 2009

Un week-end aux arènes (1)

Vendredi : Bayonne, mise en bouche

On sait que le plus important dans ce genre de corrida (cartel cumbre, la corrida la plus attendue de l'année dans le Sud-Ouest) ce sont les toros. D'eux vont dépendre la réussite et (ou) le sérieux de l'après-midi.
Donc, tout de suite, un bémol : le lot de toros d' El Pilar est sans trapío, de plus certaines armures sont suspectes d'afeitado.

El FUNDI, le pundonor
Une faena toute de douceur à son premier pour dire : "Moi aussi je peux avec ces toros-là." Et, à son second, un coup d'épée pour dire : "El Fundi, torero del pundonor".
Une actuation rassurante donc, mais il faudra que le Fundi réapprenne à toréer sans crier.

José TOMAS, la personnalité
Sincérité totale, toreo hors du commun, personnalité; quoique fassent les autres, José Tomas est ''au-dessus''. En fait il se situe dans une autre dimension à laquelle ses compañeros, aussi brillants soient-ils, n'ont pas accès.
Mes rendez-vous avec JT sont rares (le dernier à Saint Sébastien en 2007) et l'étreinte inachevée d'aujourd'hui suscite en moi le désir impérieux de le revoir. Bilbao, dans quelques jours, aurait été le lieu idéal pour une nouvelle rencontre, mais il a dédaigneusement décliné l'invitation... je resterai donc avec ma frustration.

Sébastien CASTELLA et l'agnelet
Objectivement, Sébastien Castella a donné une très bonne faena à un toro très noble, le public a réagi avec enthousiasme et, après une mise à mort moyenne, le torero français a coupé deux oreilles.
Personnellement, je ne suis pas rentré dans sa faena. Sans doute y avait-il trop peu de toro, offrant trop de facilité avec sa charge comme réglée à l'avance.
Et puis on a failli revivre le syndrome Desgarbado. A la fin de la faena, un véritable sentiment de miséricorde a envahi une partie du public : on ne pouvait pas tuer un tel agnelet. Mais Bayonne n'est pas Dax, la pétition d'indulto fut bruyante mais largement minoritaire et, malgré les mimiques démagogiques du matador qui voyait là l'occasion d'un triomphe à bon compte, c'est à dire sans le risque de la suerte de matar, la majorité du respectable (et le président) opta pour la logique du réel : les innocents aussi doivent mourir.

dimanche 2 août 2009

A propos d'Orthez, Tyrosse, Beaucaire

Je n'ai assisté à aucune des courses proposées par ces plazas et ne porterai donc aucun jugement sur ce qui s'y est déroulé.
Je voudrais simplement souligner à quel point il me paraît important que ces trois arènes - dont les dates coïncident malencontreusement pour les aficionados - puissent continuer, chacune avec sa personnalité, à organiser des spectacles dignes et ambitieux, de ceux qui mettent en valeur le señor toro et par là même le courage et l'art des hommes qui l' affrontent. La voie est certes difficile parce que les aficionados sont, à juste titre, exigeants et parce qu'aussi tout le monde n'a, semble-t-il, pas intérêt à ce que certaines expériences réussissent.
Des trois plazas, Tyrosse est celle qui a le passé le plus prestigieux. On y a vu ces dernières années des Palha, Miura, La Quinta, Mayalde, Charro de Llen, Escolar Gil, avec quelques tardes qui ont marqué les esprits, en particulier celles de Palha et de Mayalde. Cette année le cartel était mi-figue, mi-raisin. Quel dommage de n'avoir pas osé les Dolores Aguirre, un temps prévus! L'année prochaine peut-être...
A Beaucaire, Fernandez Meca, dans son nouveau costume d'empresa, a joué de malchance : "son torero" blessé, El Fundi et les Victorino pas dans leur meilleur moment, n'ont pas permis la réussite d'une corrida très prometteuse...sur le papier. Mais les arènes étaient pleines (il le fallait car le cartel n'était pas barato) ce qui devrait conforter Beaucaire dans sa démarche.
Enfin Orthez qui a exprimé la volonté de promouvoir des principes qui ne peuvent que réjouir les aficionados : indépendance de l'organisation, désir de valoriser le premier tiers, souci d'une action éducative auprès du public, enfin choix d'élevages et de toreros qui sortent de l'ordinaire. Pour avoir traîné mes crampons sur les terrains de rugby du Béarn profond, je sais qu'on a, dans le pays, la couenne dure et la défaite mauvaise. C'est pourquoi je crois qu'on peut faire confiance aux Orthéziens pour l'avenir, ils auront à cœur d'effacer cette déception initiale.