samedi 25 avril 2009

Victorino Martin : un fracaso d'importance

Cela fait des semaines que l'on nous fait saliver avec le mano a mano Morante de la Puebla - El Cid face aux toros du sorcier de Galapagar à Séville. Au final un fracaso, et le vieil adage - témoignage de la sagesse populaire - respecté : corrida de expectación, corrida de decepción.
Derrière ça quoi?
  • Une supercherie dès le début, magnifiquement mise en scène par Canorea fils et destinée à vendre la feria. Vous ne croyiez quand même pas que le Cid et Morante allaient s'envoyer trois vrais victorinos chacun à Séville!
  • La volonté de Victorino de saboter la corrida pour ne pas créer un précédent qui pourrait nuire à sa position de ganadero indépendant : un triomphe toreriste devant ses toros.
  • La révélation de quelque chose que l'on subodore depuis plusieurs temporadas : Victorino père et fils ont perdu la main, ils ne savent ni où ils en sont, ni où ils vont.
Chacun peut choisir son option, même si la réalité, sans doute plus complexe, emprunte aux trois hypothèses.
Mais d'autres questions se posent, qui concernent cette fois le futur de la ganaderia. Les toros de Victorino Martin peuvent-ils continuer à être les toros les plus chers de la cabaña brava espagnole? Les ganaderos ne vont-ils pas devoir réduire leur camada lorsque l'on voit que, malgré de nombreuses corridas données dans des plazas de troisième catégorie (6 l'an dernier), il leur reste encore des toros de cinq ans en début de temporada (lidiés à Castellon et Arles)? Et puis surtout ne va-t-il pas falloir faire un choix entre toro con casta et toro commercial pour vedette?
En espérant que le fracaso sévillan porte en lui la réponse... et que le meilleur de la camada est en ce moment même en train de paître tranquillement dans les verts pâturages de la province de Caceres...sans se poser tant de questions.

jeudi 16 avril 2009

Arles 2009 (2)

Mehdi Savalli prophète en son pays
L'évènement de la journée aura été l'excellent toreo pratiqué par l'Arlésien à son second victorino. Un toreo pur et classique, très éloigné de la tauromachie à laquelle il nous avait habitué jusqu'alors. Les photos que Marc Delon a publiées sur son blog me paraissent, mieux que les mots, de parfaits témoignages de cette métamorphose. Pour Mehdi, désormais apodéré par Denis Loré, cette tarde constitue un renouveau qui peut lui permettre de relancer sa carrière.
Antonio Ferrera, quant à lui, a antonioferrerisé public et toros. Ce qui peut être très crispant même s'il y a derrière beaucoup d'expérience et de savoir-faire.
El Cid, ainsi que sa cuadrilla, n'étaient venus à Arles qu'avec leurs corps et leurs bagages. On le sait ça ne suffit pas pour toréer surtout lorsque l'on tombe sur le sorteo le moins favorable.
Tiens, je m'aperçois que je n'ai pas encore parlé des toros de Victorino Martin! Et pour cause, ils n'ont à aucun moment été protagonistes de quoi que ce soit. Insignifiants à la pique, sans étincelle particulière par la suite. Sauf le 2 et le 5, prêts à se laisser couper un monton d'oreilles pour peu qu'on sache s'y prendre avec eux. Une assez bonne corrida commerciale, une médiocre corrida de Victorino...

mercredi 15 avril 2009

Arles 2009 (1)

Pluie
Il pleut sans discontinuer sur Arles et les courses annulées s'accumulent. L'espoir que le ciel et les toros se refusent à offrir, il faut donc aller le chercher ailleurs : dans les livres, les apéros, qui, du coup, prennent une ampleur encore plus considérable, enfin les expos dont la ville n'est pas avare.
A la Boutique des Passionnés, j'ai acheté un recueil de poésies d'Alain Riemann, Tu seras toro mon fils. Lecture idéale en écoutant tomber la pluie dans une chambre d'hôtel.

Il pleut dans les arènes
la plaza de toros
est triste sous la pluie
Une tache sombre
s'attarde autour d'un totem qui luit

Sur le thème de l'indulto, j'ai bien aimé celle-ci :
Je suis
cet adulé
l'indult au corps
que la foule
a gracié

Le séminal amant
qui te doit
sa descendance
et ta blessure
de matador
impuissant
à me donner
la mort.

Pour l'apéro, il y a bien longtemps que mon estomac (et mon palais) refuse l'absorption intempestive de cette boisson jaunâtre et anisée qui fait partie intégrante de la culture locale. Mais que mes compañeros sachent que je suis plein d'admiration pour leur capacité à aguantar des quantités gargantuesques de ce breuvage. Heureusement on trouve partout à Arles de l'excellente sangria. J'ai découvert cette année la sangria blanche, étonnamment légère et digeste.


Très émouvante l'expo sur Lucien Clergue et les gitans d'Arles. Pour les photos du maître local, mais aussi pour l'évocation de ces figures musicales que sont José Reyes et son cousin Manitas de Plata, passés directement, par la grâce de la musique, de la roulotte aux grands hôtels new-yorkais et à la fréquentation des plus grands artistes de l'époque (Cocteau, Picasso, Dali, Chaplin).


Miurada
Je voudrais me faire ici l'écho de propos et interrogations entendus du côté du club taurin La Muleta (tertulia y after).
A l'exception des deux premiers, deux invalides bonasses, les quatre toros suivants sont jugés intéressants avec le regret de ne plus retrouver le comportement de ces miuras intraitables d'antan. Le cinquième, de grand trapío, prenant trois piques en venant de loin puis très mobile et encasté au dernier tercio est un très bon miura. En ce qui concerne le troisième, la question est posée : a-t-il été un grand toro? Lui aussi a pris trois piques puis est venu de très loin sur la muleta de Julien Lescarret mais il a passé une bonne partie de sa vie publique à gazapear.
Comme trop souvent chez Miura les armures sont l'objet de toutes les suspicions. Le second toro a tout de même transpercé le burladero d'un magistral coup de corne!

Juan José Padilla suscite des avis très partagés. Pour ses détracteurs il est la vulgarité incarnée. Auteur, qui plus est, d'un geste particulièrement anti-taurin : son second adversaire après avoir pris une pique en poussant fort se trouve idéalement placé pour le second puyazo à la suite d'un quite du matador. Mais celui-ci, donne l'ordre à son peon d'emmener le toro tout contre le peto nous privant ainsi du plaisir éventuel d'une grande pique et empêchant par là même le toro d'exprimer sa bravoure.
En revanche beaucoup soulignent les nombreux aspects positifs de son actuacion : chef de lidia irréprochable, capeador excellent, seul torero de l'après-midi à n'avoir jamais reculé, banderillero impressionnant au quatrième (encore que la longueur du tercio ait pu contribuer à décomposer le toro), enfin une personnalité qui sort des sentiers battus et provoque dans les gradins passion et divergence d'opinions - un des rares toreros actuels à avoir un tel impact sur le public.
Julien Lescarret a été apprécié pour sa bonne conduite de la lidia, en particulier lors du tercio de piques, ainsi que pour sa recherche permanente de solutions aux problèmes posés par ses deux toros. Il s'est ouvert un large crédit et a franchi l'obstacle de sa première miurada avec succès même si l'on a l'impression que, muleta en main, il a souvent du mal à maintenir son emprise sur le toro.
Rafaelillo a été sincère mais limité, sans doute handicapé par sa petite taille face à un lot de plus de 600kg de promedio.




mercredi 8 avril 2009

Histoire de poulets












Je revoyais hier soir à la télévision les célèbres et terribles images de ces poulets élevés et tués industriellement (We feed the world, documentaire autrichien de Erwin Wagenhofer, 2006). Dégagé de l'émotion que ne manque pas de provoquer la première vision - à côté de moi, ma femme qui découvrait le film était tétanisée, j'ai senti deux évidences.
Tout d'abord, on traite les animaux comme on traite les hommes. Il y a en effet une claire correspondance entre la vie de ces poussins agglutinés, canalisés, manipulés et nourris par de mystérieuses mécaniques et la vie de l'homme salarié et citadin. Les quelques images de travailleurs à la chaîne que l'on aperçoit parfaitement fondus à cette réalité concentrationnaire sont à cet égard particulièrement effarantes.
La deuxième évidence concerne la tauromachie. Elle m'a paru avoir de beaux jours devant elle tant elle incarne une résistance à ce système (tant qu'elle incarne une résistance à ce système). Dans l'arène chacun est libre d'être lui-même, d'aller jusqu'au bout de lui-même. Dans le combat de l'homme contre le taureau, du taureau contre l'homme tout peut advenir : l'art, la vulgarité, la joie, la souffrance, la blessure, la mort...
Sauf lorsque la corrida n'est plus que derechazos à la chaîne, toritos consentants et triomphes prévus. Elle devient alors, elle aussi, industrielle et productiviste, comme l'abattage des volailles.

dimanche 5 avril 2009

Les cartels de la Madeleine 2009 : tout un programme

-Vendredi 17 juillet. Toros de La Quinta pour El Fundi, El Juli et Juan Bautista.
- Soirée. Concours Landais.

- Samedi 18 juillet. Toros de Samuel Flores pour Enrique Ponce, El Cid et Salvador Vega.

- Dimanche 19 juillet. Toros de Fuente Ymbro pour Julien Lescarret, Sergio Aguilar et Luis Bolívar.

- Lundi 20 juillet. Matin. Novillos de Enrique Ponce pour le rejoneador Thomas Baqué et Mattieu Guillon et Thomas Dufau.
- Lundi 20 juillet. Toros de Victoriano del Río pour Julio Aparicio, Sébastien Castella et José María Manzanares.

- Mardi 21 juillet. Toros de Zalduendo pour El Juli, Miguel Ángel Perera et Daniel Luque.

Après le changement d’empresa intervenu cet hiver on attendait avec curiosité les cartels de la feria pour voir à quelle sauce le couple Casas - Marie Sara mitonnerait sa première Madeleine. Le menu est tombé hier. De la solide cuisine basque, qui se révélait parfois indigeste, on est passé, comme on pouvait le redouter, à une abondance de mignardises qui risquent de laisser les aficionados sur leur faim. Bien sûr La Quinta et Fuente Ymbro peuvent sauver la feria. Mais l’exclusion de Victorino Martin est, à mon avis, une faute car elle témoigne de la volonté de rompre totalement avec l’identité de la feria, y compris dans ce qu’elle avait de meilleur. Les deux dernières corridas constituent un véritable manifeste de la tauromachie voulue par les nouveaux maîtres du Moun : la corrida dulce. Dès lors le site Mundotoro peut déjà annoncer, en même temps que les cartels, ‘‘una gran feria de la Madeleine’’ et Zocato, dans Sud Ouest Dimanche, repousser allègrement les limites de la flagornerie. D’ores et déjà, les paris sont ouverts : qui de Nîmes, Mont de Marsan ou Dax battra le record d’oreilles, de queues, d’indultos ?

Juste avant de prendre connaissance des cartels, je jubilais en écoutant dans l’émission Signes du Toro les propos ‘‘blasphématoires’’ de Jean Fitte, maître d’œuvre de la feria vicoise. Cara y cruz de la fiesta.