dimanche 16 novembre 2014

Le Manifeste d'Antonio Caballero (2)

   Je me suis risqué à traduire le Manifeste d' Antonio Caballero :

     Pour nous, les aficionados a los toros, le toreo est une manifestation de grande culture. Non parce que l'ont chanté les poètes ou peint les peintres, ni parce que la France, de manière bureaucratique, l'a déclaré patrimoine culturel intangible de sa terre. Mais parce que c'est une activité qui a une expression riche et plurielle : à la fois une fête, un rite, un spectacle, un combat, un sacrifice,un jeu. Et un art.
     Les arts se définissent par eux-mêmes, sans nécessité de démonstration théorique : ils sont comme le mouvement, qui se démontre en marchant. Et en conséquence ils se défendent aussi par eux-mêmes. Mais l'art du toreo, comme tous les arts, a un ennemi , qui est le pouvoir. Celui de l'Église l'a persécuté durant des siècles, celui des autorités civiles a voulu l'interdire en beaucoup d'époques et de lieux, aussi bien lorsque ces autorités sont despotiques - dictatures ou monarchies de droit divin - que lorsqu'elles se prétendent démocratiques en vertu du droit des majorités à gouverner. Oubliant l'autre élément essentiel de la démocratie qui est le respect pour les minorités.
     C'est en raison de cette absence de respect que nous sommes aujourd'hui réunis ici, devant cette plaza de toro de Santamaria arbitrairement fermée par le caprice d'un maire, qui le justifie au nom de la dérisoire arithmétique d'une victoire électorale.
     Les aficionados al toro sommes une minorité, et nous savons que notre goût pour les toros n'est pas universellement partagé. C'est pour cela que nous ne cherchons pas à l'imposer aux autres minorités ni ne cherchons à interdire les plaisirs des autres qui peuvent être aussi divers que l'opéra ou les courses de moto ou la pratique du spiritisme, les processions religieuses ou les marathons. Nous prétendons simplement que, réciproquement, ils ne nous imposent pas les leurs ni ne suppriment les nôtres. Nous ne voulons ni ordonner ni interdire. Mais nous résistons à ceux qui nous interdisent et nous donnent des ordres.
     Il ne s'agit pas simplement de réclamer le droit d'assister en tant que spectateur aux corridas de toros. Il s'agit aussi de défendre le droit à exercer une profession. Dans ce cas, la profession de torero, comme le désirent ces jeunes novilleros qui campent depuis des mois face aux portes closes des arènes, comme s'ils étaient les réfugiés d'une guerre.
     Ou comme l'ont fait ces figures du toreo venues d'Espagne, du Mexique, de France et bien sûr aussi de Colombie pour les soutenir personnellement en une manifestation de solidarité avec eux et de cohérence avec leurs propres vies. Nous sommes ici, en somme, pour exiger la liberté. La liberté d'expression. La liberté de choix. La liberté du plaisir. Toutes sont contenues dans l'éternel rêve libertaire qui est l'interdiction d'interdire.
     Bienvenus soient ceux qui veulent signer ce Manifeste. Ils le feront pour leur amour de la tauromachie, ou pour leur intérêt pour l'art, ou pour leur tolérance envers les goûts des autres, ou pour leur respect pour les droits des minorités, ou pour leur amour de la liberté. Ceci est un Manifeste pour hommes libres.
     




1 commentaire:

pedrito a dit…

On ne peut que souscrire....
La liberté d'aimer, comme celle de détester, est universelle. Y compris bien sûr celle d'aimer ou non la corrida. Par conséquent, nul ne peut se permettre d'imposer la sienne. Mais ce ne sont pas les libertaires qui la défendent forcément le mieux, puisque certains - beaucoup, même - veulent interdire la nôtre, sous prétexte de cruauté.
N'y a-t-il pas dans ce bas monde plus cruel et plus urgent à traiter que de la mort des toros?